Sélection / Fuyant la facilité, Le Petit Bulletin vous propose un nouveau rendez-vous avec son habituel calendrier sonore. Si selon la Ronde des mois de Rosemonde Gérard « novembre a toutes les chansons, des ruisseaux débordant d'eau claire », nous vous proposons de serpenter dans les eaux (pas si claires) de la programmation de la métropole, entre remous noise, expériences cathartiques, revendications réjouissantes, traversées nocturnes et expérimentations somptueuses.
Metz
Le 10 octobre dernier le groupe noise punk canadien annonçait au monde la dernière tournée de l'histoire du trio avant un “indefinite hiatus”. Une nouvelle tombée comme un couperet et qui fait du concert au Transbo un véritable événement à ne pas manquer pour fêter l'univers chaotique et jouissif d'une idylle magnifiant l'art sonore depuis quinze ans. Avant de verser des larmes de regret, nous vous conseillons de plonger dans l'admirable, Up on gravity hill, cinquième opus chez Sub Pop puis de savourer le (dernier ?) live dans la région.
Le mercredi 6 novembre au Transbordeur (Villeurbanne) ; 24 euros
Cumgirl8
Pour le mois de novembre, le Sonic a décidé de sortir le grand jeu en proposant trois concerts parmi les plus intéressants de toute la rentrée musicale lyonnaise. Deux jours après le live incontournable de Califone et juste avant le fascinant et inclassable projet de Danielle de Picciotto et Alexander Hacke, la péniche écarlate accueillera cumgirl8, quatuor newyorkais profondément engagé et novateur. Autrices d'un des albums les plus intéressants de 2024, Lida Fox, Veronika Vilim, Avishag Cohen Rodrigues et Chase Lombardo donnent lieu à un violent entrechoquement entre l'indus de Chris and Cosey, l'art-punk de Suicide, la pop de Madonna (et une kyrielle d'autres influences) renouant et rénovant la révolution musicale et culturelle de Riot Grrrl. Du post punk futuriste et féministe revigorant et nécessaire.
Le dimanche 10 novembre à 20h au Sonic (Lyon 5e) ; de 12 à 13 euros
La Rumeur
Et oui, le temps passe, mais La Rumeur insiste, ne lâche rien et continuer à déranger. Après un hiatus d'une dizaine d'années, Ekoué, Hamé et le Bavar ont publié en juin 2023 le rugueux et très dark Comment Rester Propre ?. « On ne réagit pas à l'actualité. Notre écriture est introspective » avait confessé le rappeur et réalisateur Ekoué à nos confères de L'Humanité, dissipant tout risque de démarche moralisatrice sur la jeunesse d'aujourd'hui. Un repli sur soi non dépourvu d'une dissection précise du réel dans laquelle plonger sans jamais se perdre. Car La Rumeur incite à la réflexion et non pas à la dispersion. À prendre ou à laisser.
Le mercredi 13 novembre à La Rayonne (Villeurbanne) à 19h ; de 24 à 30 euros
Wardruna
Expériences de pure transcendance, les concerts menés par Einar Selvik sont des véritables épreuves d'initiation au néopaganisme. L'idée même de « chanson » disparait immédiatement dès que l'alliance à géométrie variable sous le nom de Wardruna monte sur scène. La matière sonore se meut rapidement en invocation tribale et ésotérique entrainant une catharsis collective à travers une activation des pratiques chamaniques liées à la mythologie scandinave. Le temps s'efface derrière la jonction entre humain, forces de la nature et divinités. Avec le nouveau single Hertan, « cœur » en proto-scandinave, Wardruna souhaite inaugurer un nouveau cycle après l'hypnotique trilogie inaugurale centrée sur l'alphabet runique, et les successifs chapitres Skald et Kvitravn.
Le jeudi 14 novembre à l'Amphithéâtre - Salle 3000 (Lyon 6e) à 20h30 ; de 54 à 79 euros
Tapir!
Résultante des trois EPs sortis en 2023, The Pilgrim, Their god and The king of my decrepit mountain de Tapir! est le rare exemple d'un travail organique se composant de la façon la plus naturelle possible. Dépeignant les aventures d'un étrange personnage à la tête en papier-maché rouge, l'album convoque Robert Wyatt, Bright Eyes et Damien Jurado, élaborant une fable séduisante. Dans l'attente du deuxième opus attendu pour le jour du concert lyonnais, il nous reste à écouter en boucle le travail des six londoniens, pour accompagner le pèlerinage féerique de l'énigmatique homme à la tête rouge.
Le jeudi 14 novembre au Marché Gare (Lyon 2e) à 20h30 ; de 0 à 18 euros
S. society : Mr. Scruff/Danilo Plessow (MCDE)
Pour terminer en beauté la semaine, le Sucre propose, pour son habituel club dominical, une soirée de délivrance et de joyeuse légèreté. Ouvert par le set de Danilo Plessow (aka MCDE, acronyme de "Motor city drum ensemble"), DJ allemand fluctuant entre house et techno rétro, l'évènement vespéral à Confluence sera glorifié par la présence d'une légende des platines d'Outre-Manche, Andrew Carthy, mieux connu sous le nom de Mr. Scruff. Ses rares apparitions à Lyon rendent incontournable la soirée au Sucre, véritable occasion pour rencontrer l'univers à la croisée du jazz, de la soul du downtempo et de l'animation du compatriote du chat carrollien du Cheshire (étrange coïncidence...).
Le dimanche 17 novembre au Sucre (Lyon 2e) à 18h ; de 0 à 17 euros
Hania Rani
Pianiste raffinée, créatrice d'un univers sonore en perpétuelle évolution, la pianiste et chanteuse polonaise semble se plaire à se soustraire sans cesse à toute tentative de fixation verbale. Après avoir conquis le monde avec ses sophistiquées compositions néo-classiques, Hania Rani a procédé par étapes, album après album, se mesurant d'abord avec le chant (sur Home en 2020), puis avec la musique expérimentale (Music for Film and Theatre, l'année suivante) et l'ambient (On Giacometti, en 2023). L'album Ghosts a représenté par la suite un point de non-retour dans une discographie déjà particulièrement riche : le minimalisme atmosphérique dialoguant avec l'ambient onirique se trouve à invoquer jazz, trip-hop et drum&bass. Nostalgia, sorti le 27 septembre et accompagné par ses créations photographiques (une nouvelle corde à rajouter à son arc) accroit le côté éthéré de sa musique.
Le mercredi 20 novembre au Radiant-Bellevue (Caluire-et-Cuire) à 20h ; 38 euros
Elizabeth Vogler + Neiges Percées + Dordogne + Orpheu
Le mystère plane sur Elizabeth Vogler, artiste multidisciplinaire insaisissable et discrète. Un mystère fait de la même matière que ses compositions, structurées autour d'un noyau vaporeux et enivrant, saturé et ancestral. Entre vocalisme solipsiste à la Meredith Monk et Diamanda Galás et darkwave néoclassique rappelant Dead can dance et Black tape for a blue girl, l'obscurité de Elizabeth Vogler résiste à toute tentative de définition. Il ne reste qu'à fermer les yeux pour plonger convenablement dans l'univers subjuguant à la croisée entre tribalisme, noise, énigme et élévation miraculeuse.
Le vendredi 22 novembre au Grrrnd Zero (Vaulx-en-Vélin) à 20h ; 8 euros
Comment sont vos nuits ? Falla / Schönberg
Johanna Malangré, depuis 2022 à la tête de l'Orchestre de Picardie, a conçu un programme superbement nocturne pour sa venue à Lyon. Entre le clair-obscur impressionniste de Nuits dans les jardins d'Espagne de Manuel de Falla, l'ouverture féérique du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn Bartholdy, la furieuse et démoniaque Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski et l'intense et (post-) romantique Nuit Transfigurée de Schönberg, cette soirée de fin novembre s'annonce comme un délice crépusculaire offert aux esprits les plus inquiets.
Le samedi 23 novembre à l'Auditorium (Lyon 3e) ; de 10 à 54 euros
Francesca Tandoi Trio
Après sept albums, des récompenses dans le monde entier et des triomphes auprès de prestigieux festivals comme Umbria Jazz ou North Sea Jazz, il n'est plus nécessaire de présenter Francesca Tandoi. Le passage à Lyon de la pianiste, compositrice et chanteuse italienne, en compagnie du contrebassiste Matheus Nicolaiewsky et du batteur Sander Smeets, est une des rares occasions pour rencontrer son univers captivant et expressif dans l'Hexagone, magnifié par la publication du récent Bop Web.
Le samedi 30 novembre à 21h00 au Périscope (Lyon 2e) ; de 8 à 14 euros