Numérique / Bibliothèque, vidéothèque, version physique ou dématérialisée... mais quid des archives des arts vivants hors des captations plus ou moins heureuses disponibles sur YouTube ? Depuis 2011, le site Numéridanse est une référence en la matière. Le site vient d'être refondu et enrichi d'un serious game et d'un spectacle en réalité virtuelle. Visite.
Rendons à Charles Picq ce qui lui est dû : créer une mémoire de la danse. Ce réalisateur, membre du collectif Frigo dans les années 70-80, a dès l'ouverture de la Maison de la Danse en 1980 « la mission de produire des archives audiovisuelles en filmant les spectacles programmés au théâtre » comme il est rappelé sur le site, émanation de ses travaux précurseurs. Numeridanse.tv naît en 2011 et se nourrit en grande partie de son apport essentiel à la danse. Simple (et c'est déjà énorme) banque de données de spectacles au départ, le site, après une refonte en 2014, et une autre ce printemps, ne cesse de croître au point de compter 550 000 visiteurs uniques par an – des professionnels et le monde de l'éducation essentiellement pour l'heure. Le nouveau public à conquérir sera peut-être attiré par cette nouvelle proposition, adaptable à tous les navigateurs et toutes les supports.
Les chiffres sont éloquents mais ne suffisent pas à définir la richesse de ce site : 2666 vidéos d'interviews d'artistes ou de spectacles dont plus de mille consacrées à des œuvres intégrales. Mieux classées qu'auparavant, elles sont notamment accessibles par genre pour les non-érudits : danses urbaines, contemporaines, traditionnelles, jazz, classique, ou danses de société (le tango essentiellement). Voici pour la vidéothèque. Mais Numéridanse se divise désormais en trois onglets permettant une approche éditorialisée de la danse. Thémas, le premier d'entre eux, propose des parcours en vidéos, textes, images sur le défilé de la Biennale, la genèse des œuvres ou encore les "étranges spectacles".
Un contenu fouillé et unique
Même déclinaison pour les enfants via l'entrée Taddam ! Et enfin un Lab avec pléthore de webséries, parfois empruntées à Arte, des visions à 360° de pièces. De quoi y passer quelques nuits ! Et renouer avec le plaisir du jeu via un serious game pour petits (dès 12 ans) mais aussi les grands. My dance company est un jeu "de gestion" sur le modèle d'un jeu de foot ou de construction dont le but est ici de créer une chorégraphie. Tous les métiers de la danse sont abordés ainsi que les lieux possibles (rue, salle), mouvements, type de danse. Rien à gagner vraiment si ce n'est la curiosité récompensée par un système de points. Le studio Dowino basé à Lyon, déjà à l'origine du jeu A blind legend est aux manettes pour 80 000€ sur ce site qui, par ailleurs a nécessité 150 000€ pour sa refonte et coûte chaque année 260 000€ en fonctionnement car outre l'aspect technique, des textes – tous originaux - accompagnent chaque vidéo. Tout est contextualisé par des auteurs dédiés. C'est l'antithèse de ce qui circule sur le Web régulièrement. Le Centre National de la Danse, domicilié à Lyon, est la pierre angulaire avec la Maison de la Danse de cette manne.
Enfin, parce que comme le rappelle Laurent Sébillotte du CND, « le reflet de ce qui se passe aujourd'hui devient du patrimoine pour demain », un spectacle en réalité virtuelle est produit via Numéridanse grâce à la collaboration de Yoann Bourgeois. Ce formidable circassien, spécialiste de trampoline, co-directeur du CNN de Grenoble, qui avait enchanté le Panthéon cet automne (37 millions de vues sur YouTube !) a accepté d'être bardé de capteurs dans l'exercice de sa pratique afin que nous puissions ressentir son corps en mouvement. Fugue VR sera présenté à la Biennale 2018, casque vissé sur la tête.
Et si, comme le dit Dominique Hervieu, « Numéridanse n'est pas un dossier de plus » à l'actif de l'établissement qu'elle dirige mais « l'avant-garde » ? La preuve en est que le musée Guimet, annexe de la Maison de la Danse qui ouvrira en 2021 sera totalement câblé et la configuration du gradin sera compatible avec les tournages de haut niveau afin d'utiliser 16 caméras. Le numérique et l'art vivant sont intimement liés. La bibliothèque municipale de Lyon l'avait bien compris pour le versant lecture publique, lançant Numelyo dès 2012. Beaucoup plus modestement, le musée des Beaux-Arts dispose aussi de Gigapixel, moyen de zoomer au cœur de 40 tableaux.