Snobby arty / de Julian Rosefeldt (All, 1h38) avec Cate Blanchett, Ruby Bustamante, Ralf Tempel...
Art véhiculaire par excellence, le cinéma reflète et diffuse bien fraternellement les œuvres créées dans d'autres disciplines. Mais toutes les propositions conceptuelles ne supportent pas de manière égale l'inscription dans le cadre cinématographique : la plupart nécessitent un minimum de transposition, d'adaptation au langage audiovisuel. Certaines demeurent cependant hermétiques ou absconses au grand public, pouvant même susciter un violent rejet de sa part lorsqu'elles dissimulent leur véritable propos derrière un paravent commercial — souvenons-nous du déconcertant Zidane, un portrait du XXIe siècle (2006) de Gordon et Parreno, qui avait plus à voir avec l'entomologie abstraite qu'avec l'hagiographie sportive.
Manifesto se présente partiellement masqué, avançant un double concept : une mise en images libre de quelques grands écrits théoriques ayant structuré la pensée politique ou artistique humaine ET l'interprétation/déclamation desdits textes par la même comédienne incarnant treize personnages (disons, stéréotypes) différents ; ici Cate Blanchett. Dès lors, il faut dissocier les deux approches. La première visant à mêler la parole péremptoire d'un·e théoricien·e à un contexte contemporain trivial est parfois productive, au-delà du décalage systématique et lorsqu'elle ne tombe pas dans le piège classique de la représentation des classes sociales — en gros, la vie des pauvres se résume à des fonctions organiques, plutôt sales.
Mais la seconde tient du gadget, de la bande démo de luxe égotiste pour une actrice semblant vouloir persuader l'univers de l'étendue de son talent — et de sa collection de perruques. Ou qu'elle vaut bien Meryl Streep exposant Tilda Swinton au panthéon de la “performance“, ce truc conduisant à théâtraliser au-delà du ridicule avec la conviction de la justesse. L'argument intello-glamour de Manifesto se révèle, en définitive, son propre poison.