C'est par une œillade furtive que l'on commencera à se pencher sur la rétrospective Hitchcock que propose l'Institut Lumière ; comme un regard indiscret épousant celui du protagoniste de Fenêtre sur Cour (1954), Jefferies, un photographe à la bougeotte contrariée par un accident. Plâtré et cloué dans son fauteuil roulant, il en est réduit à épier ses voisins, imaginant leurs existences et suspectant l'un d'entre eux d'avoir assassiné son épouse... Mais comment enquêter quand on ne dispose que de soupçons, d'un téléobjectif et d'une charmante fiancée tête brûlée ?
Adapté d'une nouvelle de Cornell Woolrish alias William Irish (auteur de La Mariée était en noir et de La Sirène du Mississippi), cet éloge du voyeurisme est un manifeste hitchcockien autant qu'un concentré de ses marottes ; à savoir créer une narration palpitante en répondant de façon à la fois élégante et audacieuse aux contraintes techniques qu'elle implique, sans priver le récit de son charme badin ou anxiogène. La quadrature du cercle, en somme, résolue dans un quasi huis clos grâce au minimalisme des mouvements de caméra (souvent subjective), à la suggestion de silhouettes aperçues au loin ou aux chuchotements entre Jefferies et sa belle.
Comme pour La Corde (1948) — également programmé — donnant l'illusion d'être tourné dans la continuité, au prix de raccords ingénieux et d'un décor évolutif, Hitchcock ne peut en outre s'empêcher de s'imposer de subtiles innovations prenant ici la forme d'aveuglements temporaires du spectateur. Un travail optique sur le ressenti et la subjectivité, qu'il poursuivra dans Vertigo (1958) en mettant au point le travelling compensé. Et ne manquez pas, enfin, le premier plan qui raconte beaucoup sans prononcer un seul mot : un modèle pour les bavards ! Je dis ça, je dis rien...
Fenêtre sur Cour
À l'Institut Lumière le jeudi 29 novembre à 19h, vendredi 30 novembre à 16h45, mardi 4 décembre à 21h, mardi 8 janvier à 18h45, et présenté par Fabrice Calzettoni le mardi 15 janvier à 21h15