Lorsqu'il met en chantier La Mort aux trousses, Alfred Hitchcock sort du semi-échec de Vertigo qui, par une de ces ironies cruelles de l'histoire du cinéma, deviendra avec les années son film le plus vénéré. Mais cela fait longtemps que le projet est en préparation, avec comme titre L'Homme sur le nez de Lincoln, en référence à son climax sur le Mont Rushmore. L'idée d'Hitchcock est d'arriver à un parfait film d'espionnage à suspense où la figure du "faux coupable" est prise dans des péripéties qui l'amènent à traverser les États-Unis avec, à défaut de la mort, tout un tas d'agents secrets à ses trousses.
Cary Grant y est cet innocent que l'on prend pour un autre appelé George Kaplan, personnification parfaite du MacGuffin hitchcockien — tout le monde le cherche, mais il n'est qu'un leurre, une ombre, et ce sont bien ceux qui le cherchent, leur duplicité et leurs traîtrises, qui forment le vrai nœud de l'intrigue. La Mort aux trousses traduit donc ce goût du "tourisme" à l'œuvre chez Hitchcock, où l'on passe de New York à Chicago puis à Rapid City, de la ville à un champ de maïs et aux fameuses statues représentant les Présidents américains.
Le film est célèbre pour quelques séquences d'anthologie, notamment l'attaque à un carrefour désert de Grant par un petit avion pulvérisant des pesticides et qui se termine par un spectaculaire accident, ou encore pour le malicieux bras d'honneur d'Hitchcock à la censure lors du plan final. Mais c'est surtout l'élégance de l'écriture et de la mise en scène — à laquelle une restauration 8K rend pleinement justice — qui fait du film un classique indémodable.
Christophe Chabert
La Mort aux Trousses
Dans les salles du GRAC jusqu'au 20 octobre.