Dessin / Au Goethe-Institut, Claude Horstmann rouvre les mots et l'écriture à leurs racines graphiques et gestuelles. Et leur redonne une épaisseur inquiète et émouvante.
« Écrire et dessiner sont identiques en leur fond » disait Paul Klee. Cette phrase de Klee n'est rien moins qu'une petite bombe lancée dans l'ordre occidental de l'écriture. Ce dernier, en effet, à force de discipline et d'apprentissage scolaire, impose à l'écriture manuscrite une transparence anonyme, débarrassée de ses scories corporelles et subjectives : taches, tremblements, expressivité personnelle, fioritures diverses... Depuis Paul Klee au moins, les mots se remettent en mouvement, en danses dessinées, retrouvant leur expressivité originaire, leur gestuelle. Beaucoup d'artistes de l'art brut, ou d'autres comme Henri Michaux, Cy Twombly, Irma Blank, voire Joseph Kosuth ou Bruce Nauman, ont fait trembler l'écriture alphabétique vers le dessin ou le matériau plastique. Les mots, dans leurs œuvres, sont aussi des images, des "imotges" pour ainsi dire...
Sens dispersé
Dans cette veine, l'artiste allemande Claude Horstmann interroge les liens entre « dessin et langage, signes et espaces, gestes physiques et environnements urbains ». Au Goethe Institut, où elle expose actuellement, on découvre notamment des représentations de textes comme caviardés ou recouverts d'encre, des mots esseulés sur une feuille, quelques tags, des balbutiements de signes. Ou encore, à l'étage de l'institut culturel allemand, des sérigraphies reproduisant des "notes anonymes" trouvées par l'artiste dans l'espace urbain de différentes villes en France et en Allemagne. Les significations des mots s'estompent pour laisser place à des événements plastiques très simples : des ratures, des positions incongrues dans l'espace, des élancements d'encre... L'émotion esthétique naît dans ce "presque" de la signification soudain ouverte, cette hésitation entre écriture et dessin, cet entre-deux du sens et du geste.
Claude Horstmann, Dessination
Au Goethe-Institut jusqu'au 14 février