Théâtre / Dans un travail plus concret que le précédent ("Nos cortèges"), Perrine Gérard et Julie Guichard livrent un spectacle intéressant sur la réhabilitation d'un ancien prisonnier mais alourdissent ce récit par trop d'à-côtés factuels.
Dans Meute, il est question de « fiction renseignée (car elle n'est pas documentaire) » selon l'autrice Perrine Gérard. Et effectivement, ce qu'elle a choisi de présenter est la façon dont les citoyens condamnent un coupable que la justice a déjà puni. Ainsi Damien sort de dix ans d'emprisonnement pour avoir causé intentionnellement un incendie dans une bibliothèque ayant entraîné la mort de deux personnes. Dans sa bourgade, il n'est plus le bienvenu et une vengeance se fomente contre lui. Son père sera tué lors de cette rixe.
Outre ce récit-là, c'est toute la cohorte de la société qui nous est montrée : la police, les médias affamés des chaînes d'info en continu, le milieu politique, la justice. Dans un plateau qui paraît trop grand et froid, six comédiens campent une trentaine de personnages et, du bureau de police au box des accusés en passant par un espace extérieur, le défi de la metteuse en scène Julie Guichard (membre du Cercle de formation et de transmission du TNP) semble être de créer une fluidité entre tous ces lieux. Elle y parvient en les faisant se confondre. Le propos ici n'est pas d'être à tout prix dans le réel mais de transformer cette écriture en un objet singulier.
Immobile
Les comédiens tentent aussi de prendre de la distance avec la réalité : dès l'ouverture, ils présentent une chorégraphie intrigante avec leurs mains notamment. Mais cette forme d'étrangeté est trop rare (quoique l'élément météorologique inattendu de la neige en été soit très malin) et la pièce souffre vite d'une lourdeur certainement imputable à un texte qui veut tout dire de ce fait divers. Or les personnalités politiques (réunion municipale, intervention d'un député...) semblent en trop, car c'est par ce biais que transitent des interrogations qui auraient gagné à rester muettes (la surpopulation carcérale, la radicalisation en prison, le terrorisme) : le réel annone.
Et c'est lorsque le récit fictionnel s'installe vraiment qu'automatiquement le jeu décolle comme lors de la répétition de l'agression un soir de fête nationale, qui donne lieu à une scène très rythmée, à travers même les coursives du TNP. Le théâtre devient alors l'endroit d'une vie palpable, de même qu'avec l'utilisation à bon escient des micros HF et de la spatialisation du son. Quasiment tous issus de l'ENSATT, les membres de cette compagnie du Grand Nulle Part vont peut-être resserrer leur travail autour de leurs personnages principaux. La pièce durait 2h30 à la première et déjà quinze minutes de moins le lendemain...
Meute
Au TNP jusqu'au vendredi 8 février