Théâtre / En montant le sanglant Thyeste, Thomas Jolly signe à nouveau une sorte d'opéra-rock mais légèrement moins nappé de la grandiloquence qui avait plombé son Richard III. Reste à vérifier comment ce gigantesque décor se transpose de la cour d'honneur d'Avignon aux Célestins.
C'est une des histoires les plus sombres des tragédies grecques que le jeune Thomas Jolly (postulant à la direction du TNP, mais semble-t-il en mauvaise posture) a osé affronter. Depuis sa sortie de l'école du Théâtre National de Bretagne, il a toutes les audaces : Marivaux, Guitry, Ravenhill puis un Henri VI en 18 heures qui valaient aux valeureux spectateurs un badge « j'ai vu Henri VI en entier » et un Richard III tellement 80's et décevant dans lequel il endossait le rôle-titre : une gageure.
Ici, il se distribue dans cette fresque de (seulement) 2h30. Il est Atrée qui veut se venger de la trahison de son frère Thyeste, qui lui a volé d'un même geste épouse et bélier à la toison d'or. Le prix en sera de manger ses enfants, boire leur sang puis se trouver « enceint » d'eux, les sentant se mouvoir dans son corps.
« Quand le massacre va-t-il commencer ? »
Possédé « avec plaisir » par un monstre comme il le dit, « il me faut de la démesure car ma douleur est trop extraordinaire » : Atrée s'époumone sur fond de musique interprétée en direct. Et s'invective de ne pas lâcher ce stratagème qui l'habite au centre d'un plateau occupé par une gigantesque tête bouche ouverte, couchée au sol, et d'une main ouverte à cour. Thomas Jolly a l'art du plateau qu'il sait occuper et l'art du texte qu'il rend parfaitement limpide (traduction de Florence Dupont) ; mais trop de codes de ce qu'il a précédemment fait se retrouvent ici et semblent gadget, comme ses lumières parfaitement découpées, en figures géométriques souvent, et des costumes quasiment clownesques, emplis de paillettes.
Face micro, ses acolytes s'offrent des scènes rapées. En dépit du talent des comédiens, l'accumulation de références éclatées (au film Scream, les tatouages symboles d'écritures sacrées en entame...) alourdissent cette mise en scène qui pourtant est la plus sobre des derniers travaux de ce jeune homme de 37 ans.
Thyeste
Aux Célestins du mardi 12 au samedi 16 février