Dans cette toile de jeunesse de Nicolas Poussin peinte à Lyon en 1622, la frénésie s'est emparée des dieux. Inspirée des Métamorphoses d'Ovide, La mort de Chioné érotise le meurtre de la jeune mortelle qui eut la maladresse de se vanter d'être plus belle que Diane. Cette dernière lui transperça la langue. Flèche fatale ! La blessure n'avilit point la beauté d'un corps idéalisé, le nu féminin chez Poussin se parfait de chair et de formes généreuses. Tout en ombre, le pubis de Chioné est placé au centre de la composition, élément ayant conduit la belle à sa perte. Parce qu'elle est femme mortelle et qu'elle ne s'est point soumise à l'autorité de la déesse, elle est coupable.
Aujourd'hui, pourrait-on qualifier le meurtre de Chioné de féminicide ? Dans l'inconscient collectif, ce dernier serait uniquement commis par des hommes, mais l'OMS catégorise ainsi les crimes d'honneur perpétués sur une femme, par un homme ou une femme, en raison de son sexe lorsqu'elle transgresse une loi morale. Féminicide ou non, rapprocher ce terme de l'histoire de l'art et de la mythologie nous fait réfléchir sur l'idéalisation et l'érotisation du meurtre des femmes, notamment dans la peinture, et sur ses conséquences passées et actuelles dans la société.
Visible dans la collection permanente du Musée des Beaux-Arts