Sélection / Nous avons butiné parmi les programmations des musées et des galeries pour en extraire une sélection subjective de quinze expositions. Sélection à laquelle il faudrait ajouter la Biennale d'art contemporain et la très belle exposition Penone au Couvent de la Tourette, dont nous vous parlons un peu plus loin dans ce numéro.
Dominique d'Archer
Dominique d'Archer (1929-1991) aimait à se définir elle-même comme une peintre de la « réalité intérieure ». Proche à ses débuts de l'art informel d'un Wols par exemple, son œuvre évolue ensuite vers des compositions figuratives singulières et très organiques. On y découvre à la fois un aspect « art brut » et un aspect « surréaliste », et surtout une grande liberté de métamorphoses et de mises en scène des corps et des visages. Son exposition à la galerie Chartier clôt un cycle de trois expositions (à Sens puis à Dôle précédemment), et présentera une sélection de peintures des années 1960 et quelques « papiers silencieux », des dessins réalisés en 1964-65.
Dominique d'Archer, Les Chantiers organiques de l'inachevé, Galerie Henri Chartier, jusqu'au 5 novembre
Yveline Loiseur et Lise Dua
La petite Galerie Besson réunit deux photographes, Yveline Loiseur (née en 1965) et Lise Dua (née en 1989), au travail artistique particulièrement poignant et délicat. Yveline Loiseur présente un travail autour du vieillissement avec des images jouant sur l'idée de double et de transparence. Lise Dua expose ses diptyques confrontant des images contemporaines à d'autres en noir et blanc extraites d'albums de famille. Le passage du temps, les liens entre les générations sont ici quelques-uns des motifs communs aux deux artistes.
Yveline Loiseur et Lise Dua, La Fidélité des rythmes, Petite Galerie Françoise Besson, jusqu'au 19 novembre
Manifesta a 3 ans
Créé en 2019 par Céline Melon Sibille, Manifesta est un lieu-concept qui accueille entre ses très beaux murs (la déco d'intérieur y est particulièrement soignée) des expositions conçues par des commissaires invités, des institutions ou des galeries d'art contemporain. Soit l'occasion pour le public lyonnais et pour des professionnels de découvrir des galeries venues de toute de la France (et de Paris en particulier). Cet automne, Manifesta accueille la galerie parisienne Jérôme Poggi et ses artistes prestigieux : l'artiste multi-médias Georges Tony Stoll, le peintre de l'ultra moderne solitude Djamel Tatah, la photographe des ruines et traces Sophie Riestelhueber... Deux autres galeries parisiennes seront ensuite accueillies : la galerie Valérie Delaunay puis la galerie Laurent Godin.
Le Fil du temps avec la Galerie Poggi, Manifesta, jusqu' au 27 novembre.
François Réau
« Le dessin c'est la trace, et la trace est tout autant mémoire qu'oubli » écrit l'artiste François Réau. Né à Niort en 1978, diplômé de l'Ecole des arts appliqués de Poitiers, François Réau a une pratique originale du dessin qu'il déploie dans l'espace à travers ses installations et dispositifs in situ. Le temps, la mémoire, la perception, l'alternance de la présence et de la disparition, le paysage, sont quelques-unes des directions de travail de l'artiste. A la Fondation Bullukian, qui lui consacre une exposition monographique, il présentera des œuvres inspirées du poète René Char.
François Réau, Destination de nos lointains, à la Fondation Bullukian, jusqu'au 30 décembre.
Jeune création internationale
Comme à l'accoutumée, en parallèle de la Biennale, l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne accueille entre ses murs une dizaine de jeunes artistes internationaux et régionaux (nés pour la plupart dans les années 1990). Pour cette édition, c'est la scène émergente européenne qui est mise en avant avec des artistes venus de Suède, Espagne, Roumanie, Italie... Côté français, on notera la présence de la vidéaste Maïté Marra ou de Jimmy Beauquesne et ses dessins à la fois "pop" et tourmentés qui explorent l'attitude des jeunes "fans"... Tous les médiums seront représentés et chaque édition de « Jeune création » est l'occasion de très belles découvertes. Par la suite, début 2023, l'IAC annonce une exposition monographique consacrée à Camille Llobet avec un travail sur la voix.
Jeune création internationale, à l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne, jusqu'au 31 décembre
On n'est pas des robots
Trois photographes (Cécile Cuny, Nathalie Mohadjer, Hortense Soichet), associées à trois chercheurs en sciences sociales, se sont penchées sur ce monde trouble et crucial pour l'économie contemporaine : la logistique. Soit rien moins qu'un nouveau « monde ouvrier » (caristes, manutentionnaires, livreurs...) qu'elles mettent en lumière à travers l'exposition On n'est pas des robots. Présentée déjà dans différents lieux en France, cette exposition fait étape au Bleu du ciel cet automne.
Cécile Cuny, Nathalie Mohadjer, Hortense Soichet, On n'est pas des robots, au Bleu du Ciel, du 30 septembre au 3 décembre
Spectaculaire !
Il y a deux ans, Lugdnumum exposait comment on mangeait à l'époque des Romains. Une salade, César ? avait été bien haché par le Covid et renait en ce moment à la MLIS de Villeurbanne jusqu'au 15 octobre. Dans Spectaculaire !, il s'agit de comprendre comment se divertissaient nos aïeux, quels spectacles populaires ils imaginaient et quelles infrastructures ils construisaient. Car la société du spectacle ne date pas de Bourdieu et les stars romaines – qui empruntaient plus sûrement des chars à voile que des falcon - faisaient valoir aussi des cachets phénoménaux à l'instar du foot contemporain.
Au Musée Lugdunum, du 6 octobre au 11 juin
Peinture fraîche
Pour sa 4e édition, le festival de street-art co-organisé par le groupe Unagi (auquel appartient le Petit Bulletin) convie 44 artistes venus de quasiment tous les continents. Que ce soit le britannique Voyder qui amène la peinture baroque sur les murs ou la Colombienne Erre qui met les femmes au cœur de ses créations, le pionnier parisien Lokiss ou le mexicain Huereck et son monde onirique, ils vont occuper la Halle Debourg totalement réagencée durant quatre semaines. Le sous-sol, fermé deux ans, sera à nouveau ouvert et accueillera les anamorphoses de l'Allemand Philipp Wallisfurth.
À la Halle Debourg, du 12 octobre au 6 novembre
Daniel Firman
Des machines à laver en rotation sur elles-mêmes, un éléphant en équilibre sur sa trompe, des individus portant un nombre invraisemblable d'objets au-dessus des épaules jusqu'à en cacher les visages... Telles sont quelques-unes des œuvres chocs de l'artiste-sculpteur Daniel Firman (né en 1966 à Bron), que l'on a pu découvrir à Lyon lors de son exposition au Musée d'art contemporain en 2013. Travaillant sur le corps et ses nouvelles perceptions, l'artiste s'inspire beaucoup de la danse contemporaine, de certains architectes et de l'art brut. Il présentera à Lyon, dans sa galerie, des œuvres inédites.
Daniel Firman à la Galerie Ceysson & Bénétière, du 3 novembre au 17 décembre
Bijou Bijoux
Le musée de l'Imprimerie n'en finit pas de surprendre. Après la très réussie plongée dans les icônes informatiques imaginées par Susan Kare, place aux bijoux et retour aux imprimés. Plus précisément les livres et documents dont le sujet sont les bijoux qui d'ailleurs ne seront pas présents en tant que tels dans cette expo mais plutôt les matières, les gemmes, les techniques de la bijouterie-joaillerie, les ateliers, les créateurs et créatrices, les Maisons joaillières etc. Parallèlement le musée fera état du travail entrepris dans ses murs par la plasticienne Camille Boileau depuis 2021 sur l'ornement et le minéral, une « Résonance » à la Biennale d'art contemporain.
Au Musée de l'Imprimerie et de la communication graphique, du 9 novembre 2022 au 19 février
Johana Blanc
Avouons ici notre sensibilité, toute personnelle, aux œuvres qui font de l'écriture un matériau plastique, qui font trembler et vaciller les mots et leurs significations pour les transformer en dessins, signes plastiques, matériaux hybrides... La BF15 accueillera bientôt en résidence une jeune artiste, Johana Blanc (née en 1990), qui recueillera paroles et écrits auprès du public. Le but de son travail (sous forme d'installations de textes, de lectures, de performances) est de libérer les mots de leurs carcans habituels, de transgresser leurs frontières habituelles, pour en dégager la puissance poétique et subversive. Johana Blanc exposera aux côtés de l'artiste suisse Simone Hollinger et ses grandes sculptures de papier tourmentées.
Johana Blanc et Simone Holliger, Carta, à la BF15, du 17 novembre au 21 janvier
Qu'est-ce que tu fabriques ?
Les musées Gadagne poursuivent avec ténacité la réinvention des parcours permanents. Cette saison, c'est le musée d'Histoire de Lyon qui ouvrira son 3e (sur quatre) parcours thématique, le plus grand de tous consacré, en trois salles, à l'histoire de l'industrie de la soie et à son pendant indispensable : les conditions de travail et de vie des Canuts. Le MHL a déjà ouvert avec, en introduction, des portraits de Lyonnais (en 2019) puis une partie consacrée à l'importance du Rhône et de la Saône. Le 4e et dernier volet sera dédié aux pouvoirs et à la citoyenneté. À noter que, dans le parcours des marionnettes, c'est Mickaël Meschke qui succède à Renaud Herbin en juin pour la carte blanche qui change tous les deux ans, un grand pédagogue et créateur allemand de sa discipline, toujours vivant.
MHL. Qu'est-ce que tu fabriques ? Lyon, industrielle et ouvrière, aux musées Gadagne, dès le 19 novembre
Poussin et l'amour
Sous prétexte de scènes mythologiques, Nicolas Poussin peint la sensualité des corps nus des deux sexes, l'ivresse, les fantasmes, l'amour... Les nymphes picolent avec les satyres, Acis et Galatée entament des préliminaires sans s'embarrasser beaucoup de pudeur ni d'intimité, Bacchus se livre à des orgies... On dit que certains tableaux de Poussin ont été jugés si licencieux au XVIIe siècle qu'ils furent découpés ou détruits ! C'est cette part érotique méconnue du grand maître du classicisme que le Musée des Beaux-Arts souhaite dévoiler à travers son exposition Poussin et l'amour. Sensuel, séducteur, sensible, il est à cent lieues du peintre philosophe hyper rigoureux que l'on connaît. Une quarantaine de peintures et de dessins viendront éclairer cette autre facette de Poussin. Et une exposition dossier complémentaire montrera l'influence sensuelle de Poussin chez Picasso, à travers ses réinterprétations du Triomphe de Pan (1636) et la reprise du thème des bacchanales et des orgies.
Poussin et l'amour au Musée des Beaux-Arts, du 26 novembre 2022 au 5 mars 2023
Madeleine, Résistante
Alors qu'il fête ses 30 ans d'existence les 15 et 16 octobre, le CHRD, en partenariat avec les éditions Dupuis, relate la vie de Madeleine Riffaud, de son enfance à sa participation active à la Résistance (torture, condamnations à mort comprises) dans la Seconde Guerre mondiale avec notamment des extraits de ses propres textes, des objets du CHRD pour contextualiser ce récit et surtout des planches de la BD Madeleine, Résistante scénarisée par Jean-David Morvan et dessinée par Dominique Bertail sortie l'an dernier. En avril 2023 sortira le tome 2 car l'engagement de Madeleine Riffaud – encore vivante aujourd'hui à presque 98 ans ! – s'est poursuivi au-delà de 39-45. Encouragée par Vercors, Picasso et Eluard, elle devient écrivaine, poétesse et grande reportrice sur d'autres guerres (Vietnam, Algérie...) pour L'Humanité.
Au CHRD, du 1er février au 4 juin 2023
Corps à corps au MAC
Le Musée d'art contemporain consacre sa programmation 2023 au thème (très large) du corps, avec, dans un premier temps, trois expositions. Le danois Jesper Just (né en 1974) présentera ses grandes installations vidéos à la qualité cinématographique où le corps est en proie ou en lien avec la technologie : électrodes captant le mouvement, IRM et imagerie cérébrale, réseaux tubulaires, écrans, etc.. Le tout visant à une étrange et ambivalente « tech-poésie » selon le terme de l'artiste... À l'inverse, le duo suédois Nathalie Djurberg et Hans Berg (tous deux nés en 1978) utilisent une esthétique potache et primitive dans leurs films d'animation, avec des corps burlesques, outrés, fantasmés, hybrides... À travers les tribulations de figurines en argile, ils nous immergent dans des scènes fantaisistes (et souvent transgressives) inspirées de l'univers des contes de fée. Ces deux expositions seront mises en regard avec une sélection d'œuvres des collections du MAC autour de la notion de « corps-frontière », avec des pièces de Bruce Nauman, Tracey Rose, Steve McQueen...
Le Corps dans la collection + Nathalie Djurberg & Hans Berg + Jesper Just, au Musée d'art contemporain, du 24 février au 9 juillet 2023