Photographie / Vincent Fournier expose à la Fondation Bullukian ses somptueuses photographies de stations spatiales internationales. Un pur plaisir visuel sur fond de quelques questions métaphysiques.
La conquête spatiale, les pieds sur Terre... Tel pourrait être l'adage du photographe Vincent Fournier, né à Ouagadougou en 1975, qui a effectué un tour du mode des stations spatiales, terrains d'entraînement pour cosmonautes, et autres stations d'observation astronomiques en altitude... Il a ramené des États-Unis, Guyane, Russie, Chine, Inde, Japon, Chili, des images esthétiquement somptueuses, et gommant les frontières entre documentaire et fiction (en écho, sans doute, à sa double formation en sociologie et en arts visuels). À la Fondation Bullukian, ses photographies sont présentées dans de très grands formats qui insufflent à l'exposition une dimension proprement immersive. Et que l'on découvre avec les yeux écarquillés d'un ancien lecteur d'Hergé et d'un toujours fan du 2001 de Kubrick.
Ultra moderne solitude
L'exposition de Vincent Fournier relève d'abord d'un véritable kiff visuel, pimenté souvent d'un peu d'humour (un portrait de cosmonaute sur fond de tapisserie surannée, par exemple). Mais au-delà de la fascination, émerge en parallèle une inquiétante étrangeté : celle de l'ultra-artificialité de cet univers, celle aussi, pour reprendre Alain Souchon, de l'ultra-moderne solitude. La présence humaine n'apparaît dans les images de Fournier qu'à l'état chimique de "traces" : une forme anthropoïde se devinant sous une énorme combinaison, la silhouette d'un technicien aussi blanche que le laboratoire où il travaille, une ombre entre deux immenses panneaux d'ouverture d'un hangar... La science, la technologie, l'aseptisation, la géométrie ont pris le pas, si ce n'est le pouvoir, sur ce drôle d'animal sensible qu'est l'être humain. Et l'on pourrait alors reprendre ici la question posée lors d'un symposium des années 1960 : « La conquête de l'espace par l'homme a-t-elle augmenté ou diminué sa dimension ? »
Vincent Fournier, Space Utopia
À la Fondation Bullukian jusqu'au 18 mai