Picasso, en vrac

Imagine Picasso

La Sucrière

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Art / « Hors norme, exposition immersive, nouveau genre, performance technique et technologique, avant-première mondiale... » : les promesses de l'exposition-spectacle Imagine Picasso sont-elles tenues ?

Nous ne pouvions être qu'enthousiastes à la lecture des qualificatifs brossant le portrait de cette exposition-spectacle consacrée à Picasso qui s'est ouverte le 17 octobre à La Sucrière. La société de production Encore, chapeautée par Pascal Bernardin, avait déjà fait étape à Lyon en 2008 avec la sulfureuse exposition Our body, à corps ouvert, interdite à Paris sur décision de justice : 17 cadavres humains d'origine chinoise, disséqués et plastinés, étaient alors montrés. Encore Productions affirmait que les corps avaient été donnés à la science, mais aucune preuve n'avait pu démontrer qu'ils ne provenaient pas d'un trafic de condamnés à mort chinois.

Pascal Bernardin revient en terres lyonnaises avec une exposition beaucoup plus consensuelle : la projection en “images totales” de 200 œuvres de Picasso sur des modules imaginés par Rudy Ricciotti, l'architecte du MUCEM, grâce à quelque 80 vidéoprojecteurs. Vous ne verrez pas d'œuvres originales du maître espagnol, mais vous apercevrez une certaine vision de Guernica, des Demoiselles d'Avignon, de l'Autoportrait de 1901 ou encore de La Celestina. Découpées, recomposées, dissociées, les toiles numérisées sont éclatées en version XXL sur le sol et des modules anguleux. Malheureusement, la scénographie ne permet ni d'avoir une vue d'ensemble assez importante, ni un point de vue assez détaillé. Il est sans doute difficile de projeter avec détail sur plusieurs mètres des toiles de 80 par 60 centimètres. Si certains endroits de l'espace n'accueillent pas de projections, d'autres donnent à voir les ombres des projecteurs, alors que « la technologie doit être invisible » selon son concepteur Julien Baron.

Une immersion simpliste

Le parti pris d'Imagine Picasso est l'immersion grâce à la projection d'images, ou mapping vidéo, sur un fond sonore. Le concept d'image totale inventée par Albert de Plécy, fondateur de la Cathédrale d'Images, trouve son essence dans l'immersion du spectateur dans l'œuvre lui faisant oublier les grilles de lecture habituelles. Aujourd'hui, le mapping a conquis les événements artistiques, culturels ou touristiques d'envergure. Lyonnais, nous en ingurgitons depuis le début des années 2000 à chaque Fête des Lumières, ce qui fait sûrement de nous un public exigeant quant à l'utilisation de cette technologie. À La Sucrière, nous regrettons qu'elle ne soit point utilisée au maximum de ses capacités.

Avec l'avènement de la réalité virtuelle, des animations augmentées, des dispositifs d'illusions holographiques ou bien des casques de réalité virtuelle, la simple projection d'images est devenue le parent pauvre de l'art numérique. La véritable performance aurait été de mettre davantage en mouvement ou d'augmenter les peintures de Picasso, d'inventer des scénarios entre le matériel et le virtuel, de donner autre chose à voir que des projections qui défilent sur un fond sonore. De ces projections, qui ne sont finalement pas monumentales, car l'espace en hauteur et en largeur ne le permet pas, la promesse d'une performance technique et technologique n'est malheureusement pas tenue. Si l'immersion totale consiste à saturer d'images la quasi-totalité d'un espace, alors ce pari est tenu, mais faire le parti pris de l'immersion pour justifier une approche populaire de l'art est devenu un lieu commun qui n'incite pas toujours les concepteurs à des prouesses technologiques.

En s'obstinant à montrer une vision simplifiée, revisitée, vulgarisée des œuvres, on prive le grand public d'accès à une vision instruite et ingénieuse de l'art. À force de croire qu'il ne possède pas les clés pour apprécier l'œuvre, on lui en donne une vision plutôt bas de gamme, mais pas un bas prix : comptez 13, 90€ pour un adulte et 9, 90€ pour un enfant pendant le week-end et les vacances scolaires. L'on notera tout de même la qualité du travail de la commissaire, Androula Michael, qui a conçu un espace pédagogique autour de l'œuvre de Picasso fort didactique notamment pour les enfants, puisqu'il est à leur portée, autant physiquement qu'intellectuellement.

Imagine Picasso
À La Sucrière jusqu'au dimanche 19 janvier 2020

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