Théâtre de la Croix-Rousse / S'inspirant d'un fait divers américain des années 70 (l'enlèvement de Patricia Hearst), la jeune autrice Myriam Boudenia trace le parcours d'une adulte d'aujourd'hui naissant à elle-même dans la contestation de l'ordre établi. Parfois fragile, souvent très affirmé.
C'est une meute qui vient attaquer une jeune fille en fleur. En deux trois mouvements, la voilà pliée dans une cage. « Toute ressemblance avec le réel n'est absolument pas fortuite » est-il écrit sur des panneaux. La trame est claire. Cette Patricia Hearst – que l'écrivaine Lola Lafon avait décrit récemment dans le très alambiqué Mercy Mary Patty – est ici Héloïse. Elle a 19 ans également. Son père est un très riche magnat de la presse mais les ravisseurs ne demandent aucune rançon. Si cela évacue une des questions intéressantes qui minera la vraie Patricia (à combien son père estime-t-il sa libération et donc son existence ?), cela ouvre d'autres perspectives plus retorses mais passionnantes : quel est l'idéal de société que dessinent ces révolutionnaires ? Où et comment agissent les mécanismes de domination et de soumission ?
RAID
Parfois trop bavard (avec des références explicites à la présidence Macron, au syndrome de Stockholm ou des descriptions trop détaillées de l'entreprise du père, de la négligence dont est victime Héloïse...), cette pièce s'affirme avec force quand la langue se fait plus concise (« — Qu'est-ce que vous me voulez ? — On ne veut rien, on te veux toi — C'est la première fois que quelqu'un me choisit ») et quand elle laisse place à l'action, subtilement rythmée par la création musicale que Jeanne Garraud interprète au piano. Ainsi cette rage se fait jour sans que l'héroïne ne s'en aperçoive. Elle apparait dans un miroir, à l'image des personnages de Marivaux qui découvrent l'altérité dans le reflet du ruisseau (La Dispute). En s'appuyant sur l'allégorie des loups et de la steppe proposés par Myriam Boudenia, la metteuse en scène Pauline Laidet livre un travail de plateau souvent très collectif, où les sept comédiens sont souvent en présence ensemble. Elle parvient ainsi à rendre très incarné ce qui bouscule, permet ou freine l'émancipation d'un individu.
Héloïse ou la rage du réel
Au Théâtre de la Croix-Rousse du mercredi 13 au samedi 16 octobre