Anne Benoît, actrice majuscule

Anne Benoît, actrice majuscule
Otages

Théâtre du Point du Jour

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Tout repose sur l'actrice. Anne Benoît est magistrale dans le rôle d'une femme en souffrance au travail imaginée par la romancière Nina Bouraoui dans un livre à paraître en janvier, "Otages". Richard Brunel accompagne à la mise en scène ce cri, cette résistance et ces violences.

« J'ai cherché la joie comme une folle » nous dit Sylvie Meyer, la quinquagénaire, deux enfants et un mari qui vient de partir sans qu'elle s'en émeuve vraiment. Depuis vingt ans, elle travaille dans une usine de caoutchouc, répond à toutes les demandes même lorsqu'il s'agit de surveiller désormais les agissements de ses collègues. Jusqu'à ne plus en pouvoir et se pointer au bureau avec un couteau caché dans le sac, pour une nuit de séquestration.

Richard Brunel, pour cette dernière production en tant que directeur du CDN de Valence (et avant de bientôt rejoindre l'Opéra de Lyon) utilise des astuces scénographiques qui lui sont familières : de la vidéo projetée et des cloisons mouvantes faites de rideaux californiens permettant d'ouvrir ou fermer l'espace. Tout est aseptisé comme récemment dans Certaines n'avaient jamais vu la mer ou même dans le pourtant rugueux Roberto Zucco. Trop. Mais au moins rien n'entrave la parole de ce quasi monologue — l'homme n'étant qu'une matière à rebonds pour la protagoniste.

Rage d'exister

Aux côtés d'un homme fantôme (Tommy Luminet), Anne Benoît (dirigée par Planchon, Vitez, Py, Vincent — ou encore Amalric et Jacquot au cinéma) campe avec une précision déroutante cette femme blessée et abîmée. Elle est capable de signifier la douleur puis d'esquisser un sourire sans rien annuler du sentiment précédent et, dans les secondes suivantes, de côtoyer la folie. Elle n'exagère rien, rend palpable cet écartèlement, la difficulté et l'abnégation de Sylvie à se tenir droite (en prenant enfin la parole) quand ce qui a constitué sa vie se dérobe.

Elle dit et montre par un corps sans cesse transformé (faire et défaire son chignon par exemple) son malaise dans un monde malade qui la pousse à devenir « tout ce qu'elle déteste chez les autres », en trouvant une dignité par le goût du pouvoir que lui octroie le directeur. Les gros plans sur son visage, qui auraient pu être cruels tant ils ne pardonnent rien, soulignent au contraire sa justesse. Et la bande-son n'est à cet égard d'aucune aide. De même que l'instant karaoké sur Tu t'en vas d'Alain Barrière et Noëlle Cordier lorsqu'elle évoque son mariage modeste. Pour autant ces instants ne diluent pas ce texte sur le travail devenu broyeuse que Joël Pommerat, dans des décors plus chimériques mais tout aussi cliniques que celui-ci (Les Marchands, La Grand et Fabuleuse Histoire du commerce...), avait déjà bien décrits.

Otages
Au Théâtre du Point du Jour du mercredi 27 au samedi 30 novembre

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