En salles / Nul besoin d'être marié pour voguer dans un même bateau et partager les pires tempêtes : ancêtres et descendants, frère et sœur, amis et amies, collègues... Peu importent les équipiers, du moment qu'on arrive à bon port...
En règle générale, c'est vers la famille qu'on se tourne pour trouver du secours en cas de pépin. De préférence, la sienne. Sauf dans Tralala (le 6 octobre) des frères Larrieu où, sur un quiproquo, un chanteur vagabond est pris pour le fils prodigue d'une lignée d'hôteliers de Lourdes... On aurait bien aimé aimer la comédie musicale composée par le duo Cherhal/Belin. À demi Demy, cette histoire de double s'avère hélas bancale ; en cause, des numéros chantés-dansés manquant de fluidité ainsi qu'une intrigue éparpillée faisant regretter le visionnaire Les Derniers Jours du monde. Une fin vécue dans Petite Sœur (le 6 octobre) de Véronique Reymond & Stéphanie Chuat suivant la relation entre un comédien gravement malade et sa jumelle, dramaturge persuadée qu'un retour sur scène aura des bienfaits thérapeutiques. La distribution étourdissante (les fusionnels Nina Hoss-Lars Eidinger, enfants d'une Marthe Keller azimutée, Thomas Ostermeier en bonus...) tempère la gravité de ce drame suisse intime où le deuil se fabrique en direct. On tient là un film précieux, d'une douloureuse beauté.
Autre pays, autre format mais famille toujours : le doc Leur Algérie (le 13 octobre) que Lina Soualem (fille de Hiam Habbas et Zinedine Soualem) consacre à ses grands-parents paternels venus d'outre-Méditerranée pour travailler à Thiers et qui après plus d'un demi-siècle de vie commune ont divorcé... pour vivre dans des appartements voisins. Au-delà du portrait tendre de personnages truculents et touchants, la cinéaste effectue un voyage dans la mémoire familiale, pauvre en archives, tendant vite à l'universalité — les deux aïeux étant représentatifs de leur génération.
Si loin, si proches
Parfois, des caractères fort opposés cohabitent en une même fratrie, comme dans Freda (le 13 octobre) de Gessica Geneus. Terriblement d'actualité, cette chronique de Port-aux-Prince montre l'héroïne-titre cherchant à s'affranchir de la misère par l'instruction malgré le saccage de l'institution universitaire tandis que sa cadette, poussée par sa mère semi-maquerelle, s'engage dans un mariage trop beau pour être vrai. Sans afféterie ni complaisance, ce film brut — où la place de la langue (créole ou française) a une redoutable importance — résume la confusion d'un pays dévasté par les calamités, la corruption et plongé dans un vrac systémique.
Quid du nôtre ? Avec Debout les femmes ! (le 13 octobre) François Ruffin & Gilles Perret reprennent la route à l'occasion de la mission parlementaire sur les « métiers du lien » confiée à l'attelage contre-nature Ruffin (LFI)/Bruno Bonnell (LaREM). Bonne surprise, ce documentaire diverge de leur précédent ciné-tract opportuno-propagandiste, J'veux du soleil ! en étant nourri ab ovo par la contradiction idéologique portée par Bonnell, mais aussi d'accidents et d'imprévus (la crise sanitaire) : ce n'est plus un pamphlet politicien, mais un film politique au sens plein, comme La Sociale jadis. Malgré sa fin — une théâtralisation malaisante des intervenantes dans une assemblée en carton — il prouve que le dialogue parlementaire transpartisan fonctionne encore. Ouf !