Traiteur / Le trio de Boleh Lah, seul resto malaisienne du 7e, même de Lyon, double la mise côté Croix-Rousse. Il est cette fois traiteur, chinois, mais pas que.
Le « fortune cookie » : c'est ce biscuit que l'on sert avec le thé, dont le pliage recèle un fin papier porteur d'un aphorisme. On l'appelle « gâteau chinois » mais il est américain, créé il y a un siècle par un restaurateur californien, certainement d'origine japonaise, pour palier l'absence de dessert à son menu. Depuis longtemps maintenant, ces biscuits dont l'intérêt réside plutôt dans les prédictions qu'ils contiennent, ont traversé l'Atlantique. Et on les retrouve sur le comptoir de ce traiteur asiatique qui leur emprunte son nom.
Aux manettes, on retrouve ici un trio, à qui l'on doit de nous avoir fait découvrir la cuisine malaise : c'était en ouvrant Boleh Lah, c'était il y a trois ans, c'était Paul Dupont, Amélie Daniel, Caroline Christophe. Qui lors d'un stage de fin d'étude en Malaisie, sont tombés amoureux de la cuisine de là-bas, un peu moins de leur travail. De retour en France, ils ont réfléchi leur bouiboui, sont repartis à Kuala Lumpur apprendre à cuisiner dans les cantines de rues, chez un Masterchef aussi. Avant de revenir rassasier les étudiants du 7e avec leurs Beef Rendang, Char Siu, et surtout les Rotis, pain plats et feuilletés, qui se déclinent en salé sauce curry, en sucré sauce pandan.
Un ou deux confinements leur ont donné le goût du « à emporter ». Ils ont ouvert, dans un autre quartier donc, une nouvelle échoppe, c'est Fortune. Cette fois plus de lubie malaisienne, le spectre est grand ouvert sur l'Asie. Il faut dire que la Malaisie est déjà au carrefour d'influences à la fois chinoises, indonésiennes, tamoules. Il fallait juste détricoter. Et assumer une certaine francisation. La nourriture qu'on disait autrefois "exotique", se présente de manière différente selon le pays d'adoption. On pourrait parler du maki californien, ou du bo bun, comme exemples de plats adaptés à la clientèle occidentale. La cuisine chinoise, elle, se donne souvent à voir en France au travers du "traiteur asiatique" servant les sempiternels rouleaux de printemps, porc au caramel, riz cantonais, etc. Hé bien, c'est exactement le souvenir de cela, de « quand on allait chez le traiteur asiatique avec nos parents quand on était petits », que nos trois compères ont voulu retrouver et renouveler, sans ironie aucune.
On se retrouve donc près de la Place des Tapis : la vitrine réfrigérée accueille les plats sus-cités, et puis du riz au lait de coco, une salade vietnamienne, des spicy noodles. Ça s'achète au poids, à emporter, ou ça se mange sur place, sur quelques tables en Formica et un comptoir en verre face à la rue, en sirotant (comme nous) une ginger beer, ou une Tsingtao, ou une bouteille de vin étranger. On a jeté notre dévolu sur le riz cantonais, un riz frit donc, avec des petits pois, de beaux cubes d'omelette et de la poitrine fumée déglacée à la sauce soja sucrée. Qu'on a accompagné de légumes aigre-doux, à l'ananas, bien relevés. Et puis d'une salade de poulet, les tranches de filets, bien souples, sont cuites à basse température puis mélangées à la coriandre et à l'estragon. Et pour finir, il ne faut pas rater, plutôt que les fortunes cookies, les beignets bien dorés, roulés dans le sucre, assez denses, surtout farcis d'une pointe de confiture de lait de coco aromatisée au pandan. On en remangera, plutôt deux fois qu'une. Avec peut-être - c'est dans les tiroirs - des pièces de viandes entières : épaule d'agneau au tandoori ou poulet rôti au gingembre, pour le repas dominical.
Fortune
6 rue Villeneuve, Lyon 4e
Du mardi au samedi, de 11h30 à 19h30
De 2 à 3, 30€ les 100g. Compter une quinzaine d'euros. Beignets 3, 50€