Restaurant / Ni chic, ni bouchon, et pourtant c'est dans le Vieux-Lyon. C'est certainement l'ouverture la plus intéressante de cet automne : voici Armada.
La rumeur n'a cessé d'enfler depuis le 15 août et le premier dîner : enfin une ouverture décapante, et le Vieux-Lyon qui bouge ! On est ici en plein cœur du quartier touristique, dans la rue du Bœuf, la rue des étoilés : Galvan, Les Loges et le 14 février. Et voici Armada et sa façade pimpante — c'était celle de feu le Tire-bouchon.
Il n'y aura plus trop de tripailles ici, mais des vins natures, des plats à partager, des beaux produits et des associations qui secouent. À la barre, on retrouve David Tapiero et Rebecca Guyon, couple de restaurateurs qui eut l'occasion de reprendre cette institution aux poutres et pierres apparentes, doucement pimpée par un ami d'enfance, Vincent de Mestral, qui y a ajouté des tables en bois brut (brûlées au chalumeau), un néon rose, une fresque (il signe V2M). Un bel emplacement, une déco, une idée (« une cuisine gastro mais décomplexée, pas guindée, pour faire revenir les Lyonnais dans le Vieux-Lyon »)...
Manque l'essentiel : qui fera la popote ? Le couple avait rencontré, par hasard, Thibault Martel lorsqu'il officiait dans un resto (éphémère) du quartier : « on a pris une claque, je n'avais pas aussi bien mangé depuis longtemps... » Ce ne pouvait donc être que lui, formé chez Têtedoie il y a huit ans, qui bourlingua, qui fit l'ouverture de Frenchie à Londres, travailla chez Likoke, aux Vans. Il appela son ami Baptiste Rivière, croisé chez Têtedoie, qui s'était échappé en Colombie chez Sauvage, où il rencontra sa femme (Andrea Joya, qui fait aussi partie de cette Armada, côté com'), avant de rentrer pour officier chez Gueuleton. L'équipe est formée, elle a de la gueule, reste à confirmer.
Il y a surtout la lotte
Et nous voilà en septembre attablés au déjeuner. La salle est peuplée de gens du métier — des cuistots de chez Galvan, l'ancienne cheffe de Grive. S'offre à nous une carte d'assiettes à partager, par exemple cet artichaut, servi entier, rempli d'une sauce choron, un peu sabayon, dans lequel tremper les feuilles. De notre côté on a eu l'occasion d'attaquer les dernières tomates, des cerises, posées sur une ricotta faite sur place. Ce serait trop simple si ce n'était pas chahuté par une délicate gelée d'eau de tomate fermentée. Il y a aussi le filet de truite confit et sa peau frite, posés sur des spaghettis de courgette et d'algues, eux-même baignant dans un bouillon marin, néanmoins crémé. Il y a surtout la lotte, quelle lotte ! La queue passée au barbecue, apportée, sur aïoli et fenouil rôti, dans un poêlon en cuivre.
En dessert, on peut avoir le courage de se laisser tenter par une association coing et bacon. Ou, peut-être plus subtil : une glace à la sauge, poudre d'herbe, mirabelles, ganache montée au chocolat blanc et gelée de géranium. Attention, la carte évolue en permanence, en fonction des produits, notamment ceux de la pêche (par un marin de Quiberon) et de la chasse (il y a du colvert actuellement). Attention encore, ce qui a fait la réputation de cet Armada, c'est aussi sa cave à vins : déjà 150 références (« on vise les 300 »), dont Frappato, cépage autochtone sicilien (42€) de Due Terre, et le très hype et catalan Golem de Recerca (41€), ou pourquoi pas un mythique Hermitage 1987 de Jean-Louis Chave (1140€).
Armada
16 rue du Bœuf, Lyon 5e
De midi à 14h30 (sauf le dimanche) et de 19h à 22h30
Carte : 28-60€