Pierre Bidard et « le doute perpétuel »

Pierre Bidard et « le doute perpétuel »
Il faut tenter de vivre

Maison Ravier

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Comédien, Pierre Bidard est aussi le metteur en scène d'un remarquable diptyque sur l'inadaptabilité au monde. Le second volet, Il faut tenter de vivre, revient sur scène à la Maison Ravier. C'est une excellente nouvelle.

Comment le roman de Thomas Mann, La Montagne magique, est arrivé dans votre parcours ?
Pierre Bidard. Il est arrivé après Que se répètent les heures [NdlR : premier spectacle du diptyque], quand je partais à la recherche de Il faut tenter de vivre. Ce roman fleuve permet de rêver encore plus autour des sujets de la communauté, l'inadaptabilité, de traverser des thèmes propres au roman (l'inertie, l'emprise...). On est des semblables, pas pareils, toujours différents. J'aime le principe de semblables de Jankélévitch. L'espèce humaine se retrouve, se regarde. Dans la communauté, on a un regard sur le monde qui nous permet de réfléchir sur ce qu'on est, où on va et avec qui.

Comment situer ça dans le temps ? Vous êtes-vous méfié de l'époque ?
Je ne voulais pas que ce soit ancré en 2022 mais je voulais qu'on puisse avoir des passerelles pour pouvoir réfléchir sur ce qu'on est aujourd'hui. C'est comme si on parlait de tout le XXe siècle et qu'on arrivait vers aujourd'hui à la fin de la pièce. C'est une fresque.

Le son, les bruitages sont prégnants, presque comme une ligne de dialogue...
J'ai travaillé avec Étienne Martinez sur l'installation d'ambiances et leur dégradation. Il y a Malher aussi pour une sorte de romantisme qui enferme les gens. On a voulu faire vivre le lieu [NdlR : le sanatorium] par rapport au son, comment distendre le temps, éclater les temporalités et on a créée des thèmes pour chaque personnage pour être au plus proche de l'intime (le son d'un stéthoscope par exemple).

Éloge du doute

Ce spectacle a été créé en 2022, il traite du rapport distendu au temps, de la psychiatrie, aujourd'hui en souffrance. On a l'impression d'y trouver des traces de l'époque suspendue par le Covid.
C'est un peu un hasard. En décembre 2019, il y avait déjà la question des retraites, la grève dans les hôpitaux. Le Covid ne fait pas du bien au spectacle car on pourrait le voir comme une sorte de réductionnisme — et se dire « ah mais c'est pour ça ! ». Mais non. Il y a des nuances. J'aime bien qu'on ait le temps de se perdre dans le spectacle, qu'on puisse ne plus savoir ce qu'on pense, ce qu'on se dit, ce qu'on est. J'aime bien faire l'éloge du doute. On ne sait pas ce qui arrive aux personnages, pourquoi ils sont là. On est dans un doute perpétuel sur ce qui se joue en face de nous et en fait, au fond, dans la vie, si on n'avait pas toutes ces constructions artificielles de relations, on serait dans ce doute-là. C'est comme si, en épurant tout, on retrouvait l'existence du doute. Je suis étonné que ce soit un sujet dont on parle peu alors que quand on va se coucher le soir, tout le monde peut se dire « ben qu'est-ce que je fous là » comme disait Jean Oury. C'est ça qui est vertigineux et qu'on essaye de trouver avec ce spectacle.

On ressemble à notre époque, on fait les spectacles comme une sorte de réponse à tout ce qui se délite, on essaye de retrouver un appel à la structuration et à l'utopie presque radicale qui s'inscrit dans le réel, dans le sens noble du terme, où la poétique et le politique sont intimement liés.

Il faut tenter de vivre
À la Maison Ravier (Lyon 7e) du jeudi 19 au samedi 21 janvier
(une programmation conjointe du Théâtre des Clochards Célestes et du Théâtre de l'Élysée)

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