Elle a 14 ans, c'est une collégienne ; celui qui n'a pas encore été identifié comme Dino Scala l'a agressée sexuellement. Le policier écrit sur son PV qu'un individu lui a « proposé de faire l'amour avec elle », c'est « une mésaventure » ! Fermez le ban.
Nous sommes en 1994. Six ans déjà que le violeur de la Sambre opère, il faudra attendre 1996 pour qu'une victime soit prise en charge « normalement » dans ce genre de crime comme le décrit la journaliste Alice Géraud. Elle a passé quatre ans, de l'arrestation du violeur à son premier procès en 2022, à comprendre pourquoi Dino Scala a pu sévir impunément durant trente ans et qu'autant de victimes en ait fait les frais (il sera condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour 54 agressions sexuelles et viols).
C'est le cruel manque de moyens de ce coin de France (le Val de Sambre, département du Nord) économiquement dévasté où les magistrates (souvent des femmes) y exercent leur premier poste en sortie d'école et partent vite vers des contrées moins austères, c'est aussi une révolution en cours pour la police et la justice (informatisation, ADN, évolutions de lois...) que retrace celle qui a fait ses débuts à Lyon Capitale, alors hebdomadaire.
Constamment, Alice Géraud est aux côtés des victimes, mal ou pas entendues par la société qui ne les croit pas, met en doute leurs plaintes. Elle ne garde pour leur bourreau que quelques lignes annexes à chaque chapitre pour dire sa vie simple d'ouvrier d'usine, ses cinq enfants avec deux épouses et une vie associative et sportive bien remplie.
Et il y a de beaux portraits d'une maire révoltée, un lieutenant, un commandant, les archivistes de la PJ qui se sont acharnés à considérer ces femmes à qui Alice Géraud offre une sorte de réparation par la précision de son travail. Vertigineux.
Alice Géraud, Sambre (JC Lattès)
À Quais du Polar le samedi 1er avril à 10h (Hôtel de Ville) et à 14h (tribunal judiciaire) ; le dimanche 2 avril à 10h (Amphi de l'Opéra)