Rétrospective / Belle initiative de l'Institut Lumière qui pratique une coupe transversale dans l'âge d'or du cinéma italien à travers une de ses plus grandes comédiennes, Anna Magnani, figure du néo-réalisme devenue légende vivante. Jusqu'au 2 avril.
Des trois décennies qui ont formé l'âge d'or du cinéma italien, on retient le plus souvent ses courants (néo-réalisme, comédie à l'italienne, western-spaghetti, giallo...) et ses cinéastes (Scola, Leone, Risi, De Sica, Antonioni, Pasolini, Fellini, Argento et la liste est encore longue...). Mais on se cantonne, dans un réflexe critique usé, à ne donner aux acteurs et aux actrices qu'un rôle subalterne, incarnation plus ou moins vivante de la vision de l'auteur.
Pourtant, cet incroyable cinéma italien est un phénomène organique dont le centre de fascination reste ses comédiens et comédiennes, qui n'ont jamais eu peur de se donner des emplois, comme les metteurs en scène se construisent un univers.
Anna Magnani, judicieusement célébrée deux mois durant à l'Institut Lumière, explose après des débuts timides lorsque Roberto Rossellini lui confie le rôle de Pina dans Rome, ville ouverte, film-phare du néo-réalisme. Dans l'équation, le réalisme tient à la mise en scène d'une époque dont on capte les rues et les visages qui les habitent ; mais Magnani, elle, apporte le « néo », la nouveauté d'une actrice qui assume pleinement les codes du mélodrame.
Dans son propre rôle d'actrice
À partir de ce moment, Magnani n'est pas une actrice ; elle est L'Actrice, pleine d'exubérance, de puissance et de sensibilité. Ce que Luchino Visconti va filmer par deux fois : dans son propre rôle, retraçant une anecdote réelle de sa carrière dans un court-métrage (Nous, les femmes) ; et dans une uchronie où elle projetterait ses frustrations de comédienne ratée sur sa propre fille (Bellissima, grand événement de la rétrospective car invisible depuis des lustres sur grand écran).
Dix ans après, Mario Monicelli, dans le méconnu et superbe Larmes de joie, actualisera le mythe Magnani — l'actrice has been mais toujours diva et divine — pour la mettre à la page de la comédie à l'italienne, ouvrant la voie à un ultime rôle mythique chez Pier Paolo Pasolini. Ce sera Mamma Roma, putain et maman, romaine jusqu'au bout des ongles, comme un retour au réalisme rossellinien mais nourri du queer souterrain qui a fait la légende — et une part du succès — de la Magnani.
Anna Magnani, Diva di Roma
À l'Institut Lumière
Jusqu'au 2 avril