Art contemporain / Avec ses trois nouvelles expositions, le Musée d'art contemporain de Lyon propose une errance au cœur du panorama de l'art actuel, scandé par la tripartition des étages et des chemins.
Pendant quatre mois, des centaines d'œuvres ponctueront les grands espaces des trois niveaux du bâtiment conçu par Renzo Piano. Réticentes à une volonté thématique, les expositions investissent la liberté du regard des visiteuses et visiteurs pour créer de nouvelles significations.
Corps-à-corps avec l'altérité
Le périple à l'intérieur de l'édifice commence au troisième niveau où prend place Friends in Love and War — L'Éloge des meilleur·es ennemi·es, première collaboration avec le centre d'art Ikon de Birmingham. Événement inaugural du programme "Royaume-Uni/France Spotlight on culture 2024 imaginons ensemble", organisé par le British Council afin de célébrer l'amitié franco-britannique, l'exposition dessine les contours d'une relation où diplomatie et altérité peuvent se nourrir réciproquement.
Si selon le philosophe Giorgio Agamben « L'ami n'est pas un autre moi, mais une altérité immanente dans la mêmeté, un devenir autre du même », l'exposition conçue par les commissaires Marilou Laneuville et Melanie Pocock permet la création de dialogues communautaires, intimes ou utopiques ainsi qu'une confrontation avec les fragments épineux de conflits et de l'histoire coloniale.
Au-delà du désordre
L'expérience esthétique (difficile ici de parler ici d'un habituel « parcours de visite ») continue au deuxième étage avec Désordres – Extraits de la collection Antoine de Galbert, dont le titre évocateur tient plus à l'éclectisme du collectionneur qu'à une quelconque confusion. Il serait vain de s'acharner à la recherche d'un fil rouge reliant les quelques 200 œuvres choisies et délivrées de toute thématique asphyxiante et mortifère.
Il vaudrait mieux suivre la piste du sentiment d'inquiétude qui les agite et les interroge, occasionnant une juxtaposition créative entre elles. C'est ainsi que les simulacres de cabinets de curiosités peuvent se déployer dans les salles labyrinthiques, accueillant un dessin de Magritte à côté d'un crâne de Papouasie-Nouvelle-Guinée, ou un cliché de Hans Bellmer au-dessus d'une porcelaine de Rachel Kneebone.
Fleuve sans fin et sans retour
Si l'excès semble être le parti pris de cette expérience, la descente qui emmène au premier étage s'apparente à l'immersion finale et définitive dans les eaux troubles de l'art contemporain. River of no Return, la titanesque toile de Sylvie Selig serpente dans la grande salle, déployant ses 140 mètres dans un mouvement ondoyant qui dessine des anses et des côtes, rythmant ainsi la lecture de l'œuvre.
Entourée par des dizaines de dessins, broderies et sculptures poursuivant le travail autour de la Weird Family exposée lors de la dernière Biennale aux Usines Fagor, l'inédit River of no Return fait converger l'histoire de l'art contemporain, le roman d'apprentissage et le récit linéaire propres aux fresques dans l'odyssée de trois anti-héros traversant l'œuvre et la vie de 140 personnalités du monde l'art. Un travail bouleversant et passionnant dans lequel se perdre pendant des heures, s'éloignant des rivages rassurants des convictions que l'on peut avoir sur l'art avec humour et intelligence.
Friends in Love and War — L'Éloge des meilleur·es ennemi·es. Œuvres des collections du British Council et du macLYON
Désordres - Extraits de la collection Antoine de Galbert
River of no Return, par Sylvie Selig
Au MAC jusqu'au 7 juillet