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Guignol / La compagnie « Guignol, un gone de Lyon, Cie Daniel Streble » a quitté l’emblématique théâtre de la ficelle (Lyon 4ᵉ) au début de l’été. Mettant un point final à trois générations de dévouement au petit canut arborant un salsifis.
« En 1915, mon grand-oncle Alexandre avait offert une marionnette à mon père, de celles qui ornaient les radiateurs à eau de certaines vieilles voitures », se remémore avec tendresse Daniel Streble, figure emblématique du théâtre Guignol à Lyon.
Ex-comédien et directeur du personnel dans une entreprise lyonnaise, Daniel Streble est né avec des marionnettes dans les mains. Certaines fabriquées par son grand-père, sculpteur sur bois, par son père ou par lui-même. D’autres furent acquises par lui ou par son père, qui fonda d’ailleurs sa compagnie de marionnettes en 1929. Il joua en itinérance ainsi que dans la salle de la Tavelle montchatoise, feu théâtre guignol du 3ᵉ arrondissement de Lyon.
« Avec ma femme, on aidait mon père surtout les week-ends. Dans les années 50, nous sommes allés 21 fois à Roanne pour donner le spectacle de Noël. À chaque fois, mon père écrivait une pièce différente : un conte de Noël, Cendrillon… version Guignol évidemment », détaille Daniel Streble.
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Dans les lignées de Guignol
C’est toujours en compagnie de son fils et de sa belle-fille que Marius Streble a « donné la main » chez les plus éminentes familles du théâtre Guignol. Les Mourguet ainsi que les Neichthauser, descendants de Laurent Mourguet créateur de la marionnette Guignol en 1808. Il finit même par jouer Guignol, après la mort d’Ernest Neichthauser en 1969.
« Je suis le dernier à avoir côtoyé tous les anciens », se remémore avec nostalgie Daniel Streble qui soufflera bientôt ses 80 bougies. Il évoque les nombreux moments passés avec Jean-Guy Mourguet, qui dirigea le théâtre municipal du Guignol de Lyon : « C’est lui qui m’a suggéré de repeindre mes marionnettes à l’acrylique. Avant elles étaient peintes à la gouache. Dès qu’un enfant touchait leur visage ça bavait, et il fallait les repeindre, il m’a d’ailleurs aidé à en repeindre quelques-unes ».
300 marionnettes, qui jouèrent, pour la plupart, dans le castelet du théâtre de la ficelle à la Croix-Rousse, installé par Daniel Streble après sa démission, en 1993. Une collection d’une grande rareté, qui encombre désormais les placards de l’appartement du couple, qui a quitté précipitamment ce même théâtre de la ficelle au début de l’été.
300 petits visages, 300 petites histoires
Les décors et autres structures imposantes ont été entreposées dans des boxs, mais les marionnettes sont trop précieuses pour être exposées à des écarts de température. Ce qui permet à Daniel Streble d’en faire profiter à ses invités, ouvrant ses placards comme on ouvre une malle au trésor, débordant d’un nombre inépuisable de marionnettes entièrement fabriquées à la main. Les plus anciennes, issues de la commedia dell'arte, datent d’avant la création de Guignol en 1808. Certaines peuvent cracher de l’eau ou de la fumée, d’autres encore n’ont pas été restaurées depuis bien longtemps « pour rappeler comme elles sont vieilles », explique Daniel Streble.
On y trouve des Guignols et des Gnafrons par dizaines, mais aussi des Madelons, la Philomène, Roxanne, la reine Cléoplâtre, Fernandel, le pirate de la savate, le maréchal de Castellane, les diables verts et rouges de la commedia dell'arte, Polichinelle, le grand méchant loup et le chat botté dans un pêle-mêle guignolesque du plus bel effet.
Parmi eux, trône en vedette le Guignol préféré de Daniel Streble, celui qui l’accompagne partout. Du haut de ses 180 ans (et quelques ravalements de façade) ; il a accompagné son précédent propriétaire dans les tranchées de la guerre 14-18. 80 ans plus tard c’est au bras de Daniel Streble qu’il a fait une apparition dans le film Lucie Aubrac (par Claude Berri). « Je n’arrive pas à dire pourquoi c’est lui mon préféré, c’est comme les gens, il y a celles et ceux qu’on aime comme ça, sans raison. »
Impertinence, naïveté et verve
Car Daniel Streble donne un petit supplément d’âme à chacune de ses marionnettes. Vice-président des Amis de Guignol, il défend ce qui fut son art pendant toute sa vie. Il revendique un Guignol facétieux mais aussi naïf et épris de justice, qui s’exprime avec l’accent du cru. « Je n’aime pas les Guignols trop lisses, ou ceux qu’on réserve uniquement aux enfants, mais je n’apprécie pas non plus cette caricature qu’on en a fait, où les coups de bâton pleuvent toutes les dix minutes. Le premier bâton de Guignol, c’est sa verve, et c’est ça qui le rend passionnant. »
Une vision des fables du petit canut qu’il appuie sur les très nombreux textes qu’il possède. Pas moins de 850 dont une bonne partie rédigée à la plume, avant l’invention de l’imprimerie. « Cyrano a été écrit pour Guignol aussi, et la tirade du nez y est inversée, car Guignol a le nez camard. La pièce est entièrement écrite entièrement en vers, c’est de la belle poésie. On peut faire rire sans forcément aller dans le gag simpliste », insiste Daniel Streble. Un engagement pour la préservation de son art dont on n’observera plus l’expression à Lyon. Sans donner les raisons précises de son départ, il évoque déjà sa nostalgie.
« Ça me fait mal au cœur, mais quand je prends une décision, je m’y tiens, sinon c'est trop douloureux », confie-t-il. Le marionnettiste ne cache pas son inquiétude, car en dépit de la bonne affluence aux spectacles de Guignol, les marionnettistes se font de plus en plus rares, et les coûts d’installation d’une compagnie, eux, grimpent d’année en année. « Une marionnette neuve coûte très cher aujourd’hui, et je ne vous parle pas d’un bon castelet », détaille-t-il. « Guignol doit continuer, c’est un trésor culturel, patrimonial, c’est important de le préserver », conclut-il.
Le théâtre de la mairie du 4ᵉ n’a pour l’instant pas communiqué sur l’arrivée d’un(e) éventuel(le) successeur(e) pour reprendre la main, et réanimer l’esprit de Guignol à la Croix-Rousse.
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