Audrey Hénocque : « La culture est transversale »

Politique culturelle / C'est fin mai dernier qu'Audrey Hénocque a ajouté la culture à ses attributions, déjà adjointe aux finances et aux grands événements de la Ville de Lyon. Entretien de rentrée avec celle "qui a pris le temps d'écouter" l'écosystème culturel lyonnais avant de rencontrer les médias.

LPB : Quelles ont été les priorités de la Ville en matière de culture à votre arrivée ?

Audrey Hénocque : J'ai priorisé la rencontre avec les acteurs culturels, pris des rendez-vous avec les adjoints d'arrondissement en charge de la culture. J'avais besoin et envie de m'appuyer sur eux, ainsi que sur le directeur aux affaires culturelles de la ville afin de poursuivre le travail mené par ma prédécesseure et de le réorienter si nécessaire. Nathalie Perrin-Gilbert s'est engagée avec beaucoup de détermination pour la culture avec l'ensemble de la majorité. On a la chance, à Lyon, d'avoir un projet politique qui est clair malgré les soubresauts que l'on subit, et je m'inscris dans la continuité de celui-ci.

Notre action s'appuie toujours sur quatre axes majeurs : encourager la création, l'émancipation des Lyonnais et Lyonnaises et faciliter les coopérations, locales et internationales. Le quatrième axe, celui de la transition, est sans doute la mesure où j'irai plus loin que ma prédécesseure, sur les enjeux de décarbonation notamment. J'ai déjà eu l'occasion de travailler sur le sujet car je suis en charge des grands événements, notamment notre grande Fête des lumières, et j'ai participé à l'obtention de la norme iso 20.121.

Comment jonglez-vous entre vos multiples prérogatives ? Entrent-elles en conflit ? Vous n'êtes pas annoncée à l'inauguration de Gadagne. Un monument. Une histoire le 19 septembre prochain par exemple. 

C'est une question que l'on pose rarement aux hommes. Georges Képénékian continuait d'être médecin lorsqu'il était adjoint à la culture. Il travaillait pour la Ville le matin et opérait l'après-midi. C'est la même chose pour Richard Braum, qui gérait un cabinet d'avocat et qui était adjoint aux finances de la Ville de Lyon et vice-président des finances à la Métropole en même temps.

Le secteur de Lyon est tellement dynamique, avec tellement de projets... que même une personne seule ne peut pas tout voir. Mon objectif est de coopérer, avec les adjoints d'arrondissements, également avec Emmanuel Giraud [conseiller délégué à l'éducation artistique et culturelle, aux droits culturels ndlr], il sera d'ailleurs à l'inauguration du musée Gadagne. Il s'agit d'un collègue dont je respecte les analyses, et issu du parti socialiste – ce qui montre d'ailleurs la force de notre majorité.

Je vois plutôt mes fonctions comme une force. Dans le cadre du projet de loi de finances, Eric Woerth a été chargé de mener une étude sur la décentralisation. C'est moi qu'il a eue en audition en tant qu'adjointe aux finances, et il a pu m'interroger sur les financements croisés de la culture, j'ai pu défendre la nécessité des cofinancements pour assurer la liberté de création. Ces nouvelles responsabilités m'aident encore plus à défendre le service public de la culture.

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Plusieurs institutions culturelles de la ville ont dressé (auprès de la Ville et à sa demande) un bilan des enfants touchés par leurs actions d’éducation culturelle. Quelles sont vos conclusions ?

C'est un travail toujours en cours. On a obtenu le label 100% EAC [éducation artistique et culturelle ndlr], et on va le signer conjointement avec la Métropole, car Cédric Van Styvendael veut qu'on le fasse ensemble. Aujourd'hui, l'ensemble des enfants de la ville de Lyon peuvent s'inscrire dans des projets via les enseignants et les directeurs d'école. On a encore du travail, mais on est la ville la plus avancée sur ce sujet en France : 47 équivalents temps plein proposent de l'EAC en milieu scolaire à Lyon.

Quel regard portez-vous sur l'équilibre Métropole - Ville ?

Je collabore très bien avec Cédric Van Styvandael, on est complémentaires. On a ni la même histoire ni les mêmes compétences vis-à-vis de la culture ce qui est enrichissant. Je suis ravie qu'il ait fait de l'EAC un cheval de bataille.

La Métropole de Lyon a subi de fortes chutes de recette, ce n'est pas un secret, nous devons donc faire en sorte que la culture à Lyon n'en subisse pas trop durement les conséquences. On va continuer à échanger, il faut qu'on réfléchisse ensemble aux choix que la Métropole sera amenée à faire, en bonne intelligence. Si des baisses sont nécessaires en 2025, il faut qu'elles soient temporaires.

Au niveau national, on se dirige vers une crise majeure du secteur culturel (-96 millions d'euros pour la création cette année), avec des salles et des lieux qui vont être en grande difficulté. Comment vous placez-vous dans ce contexte ?

Je suis positive sur le territoire Lyonnais, au sens large, même si je reste vigilante. Le contexte global est complexe, les coûts sont en augmentation, alors que les soutiens publics sont en berne au niveau global. On ne peut pas non plus demander aux publics de payer plus cher leurs billets. On est dans une situation qui est plutôt tendue. On a donc des raisons de se réjouir des 165 millions d'euros par an alloués à la culture à Lyon, il s'agit – je le rappelle – du deuxième budget de la Ville de Lyon. De plus, on observe une augmentation de la fréquentation des lieux culturels, qu'il s'agisse des spectacles vivants, des musées.

Du temps de votre prédécesseure, il était notamment question d'augmenter les résidences, et même de sanctuariser des logements pour l’activité culturelle, est-ce toujours d’actualité ?

Les institutions, nos partenaires font déjà beaucoup : Les Subsistances accueillent des résidences, auxquelles on croit beaucoup. De même pour le théâtre des Célestins, ou les musées municipaux. C'est une préoccupation qu'avaient aussi Les Ateliers de la danse : on a donc pu y ajouter deux studios pour héberger les artistes.

Où en est le projet de réhabilitation du musée Guimet ? Sera-t-il vendu ? Restera-t-il dans le giron de la Ville ?

C'est un site auquel on tient vraiment, notre majorité dans son ensemble est très intéressée par le patrimoine public, on ne manque d'ailleurs pas d'exemples, comme celui du bâtiment Neyret, cette ancienne école des beaux-arts qui va devenir un tiers-lieu culturel et dédié à la transition énergétique : Notre ADN est de préserver et de redonner aux Lyonnais le patrimoine culturel de la ville.

Le musée Guimet a été étudié dans le cadre du Musée sentimental, pour une ouverture temporaire à plusieurs millions d'euros. Finalement, ce seront le Musée des Beaux-arts et le MAC qui accueilleront le Musée sentimental, pour une très belle exposition en septembre 2026.

Au sujet de l'ouverture pérenne du musée Guimet qui coûterait plusieurs dizaines de millions d'euros, c'est encore en réflexion. Je vous renvoie aux travaux de Sylvain Godinot [adjoint à la transition écologique et au patrimoine ndlr] qui œuvre pour qu'on puisse – à terme – proposer un projet qui corresponde aux attentes des Lyonnais.

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Où en sont les audits du conservatoire de Lyon (aussi appelé CRR) ?

Nous sommes très préoccupés par le CRR : nous voulons faire en sorte que les choses se déroulent de manière optimale et dans une atmosphère sereine. Deux audits sont en cours, un sur le fonctionnement et un autre sur le climat social. Nous en attendons les retours fin octobre et nous prendrons alors toutes les mesures nécessaires. En attendant, Patrick Odiard a bien voulu prendre la présidence du conservatoire et nous avons renforcé le bureau avec six élus pour piloter la gouvernance du conservatoire.

La Ville avait compensé la diminution du disponible artistique des Célestins en 2022 et 2023. Ces crédits compensateurs vont-ils se maintenir ?

Nous tenons à poursuivre ce soutien. Nous avons augmenté les budgets qui permettent de faire face à l'inflation de la masse salariale. Nous saluons d'ailleurs le dynamisme de Pierre-Yves Lenoir qui sait attirer de plus en plus de spectateurs au théâtre. À la différence du paysage français, on a un théâtre qui se porte bien.

En octobre il y aura le temps fort Contre-sens, émanation du festival Sens interdits (les années paires). Celui-ci est extrêmement fragile, notamment en raison de la baisse de dotation de la Région, mais aussi avec le départ de son directeur, Patrick Penot. Allez-vous renforcer votre soutien à ce festival ?

Nous regrettons beaucoup ces baisses à la culture qui durent depuis plusieurs années. À la Ville nous croyons à ce festival, à sa ligne spécifique, très politique, au sens noble du terme.

Le soutien de la Ville sera équivalent en termes de financement et je vais rencontrer la vice-présidente de la Région à la fin du mois. Notre soutien ne s'arrête pas là car Sens interdits collabore avec énormément d'institutions lyonnaises, et nous sommes derrière tous ces acteurs. J'espère aussi que le festival va trouver un nouveau lieu, car le mécène qui les hébergeait ne va pas pouvoir continuer à le faire. On est à l'écoute, si besoin mais les moyens de la ville ne sont pas non plus sans limites.

Avant votre arrivée, il y avait des discussions pour une ouverture de la bibliothèque municipale de la Part-Dieu le lundi.

Un premier travail d'ouverture a été fait le lundi et une heure de plus le samedi, cela s'est traduit par une charge très lourde pour les équipes. Le projet n'était donc pas prêt pour cette rentrée scolaire, nous avons différé de quelques mois pour maintenir ce qui fonctionne.

Vous restez en charge des grands événements, y'aura-t-il des nouveautés pour cette Fête des lumières ?

Cela fait 25 ans que la Fête des lumières existe. Nous avons donc eu une belle idée avec Julien Pavillard et le maire de Lyon : offrir aux lyonnaises et lyonnais 5 œuvres « revival » parmi les 31 œuvres qui seront proposées cette année. Évidemment, nous continuerons à innover, à créer, nous avons déjà prévu des projets un peu plus inédits. J'en profite pour dire que l'édition 2024 sera belle, créative, participative et inclusive. De plus, cette année les œuvres hors presqu'île se trouveront à Croix-Rousse (Lyon 4ᵉ), près de Gros caillou et dans le 7ᵉ arrondissement : à la cité jardin, qui fêtera son centenaire.

Pour vous, la culture est-elle dans le prolongement des grands événements ?

La culture est transversale, et je tiens à ce qu'elle travaille avec l'ensemble des politiques publiques de la Ville. Par exemple ; nous avons parlé des Eurogames avec Julie Nublat-Faure [adjointe au sport ndlr] : et on a souhaité que la culture soit au programme de ces Eurogames. Avant le départ de ma prédécesseure, je travaillais déjà sur les grands événements culturels tels que Tout l'monde dehors ou la Fête de la musique. Je reste dans cette transversalité et cette recherche de vivre ensemble.

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