L'espace est sombre, il n'y a plus guère de trace de vie sinon une jeune fille terrée dans un coin, dissimulée sous des couvertures. Elle n'a plus envie de rien sinon d'envoyer valser le monde qui ne tient en équilibre que par un point au milieu de la pièce et qu'elle surveille maladivement. Il n'y a plus âme qui vive dans cet immeuble qui s'apprête à être démoli, sinon elle-même dont le prénom porte l'espoir : Viv. Au milieu de la boue, Edward Bond déniche toujours une once de vie. Dramaturge reconnu dans le monde entier (révélé en France par Alain Françon et notamment ses Pièces de guerre), il n'a, pour autant, jamais servi le théâtre sur un plateau comme un beau gâteau bien sucré qui ferait digérer le goût acre de l'existence.
La troupe de la Nouvelle Fabrique l'a bien compris et n'édulcore rien. C'est qu'ils ont un attrait pour le travail bien fait (leur précédente création, La Vieille, est une des très bonnes surprises de cette saison) : plateau en lattes de bois modulables au gré des lieux à représenter, tapisserie arrachée et quatuor d'acteurs parfaitement en rythme. Les comédiens semblent élastiques tant ils parviennent à glisser d'une scène à l'autre sans être trop abrupts. Ils se reposent sur un texte qui, malgré l'enchaînement de saynètes, garde une forte cohérence grâce à un écho qui traverse le spectacle : celui du déséquilibre permanent et d'un cynisme constant. L'écho d'une société observée frontalement qui enterre l'humain sous les gravas de la bêtise.
Nadja Pobel