Attention, ceci n'est pas tout à fait du théâtre. Plutôt un objet étrange et atypique qui donne l'occasion à Colin Rey de signer une véritable performance - avec l'aide de son indispensable complice à la régie, Thibault Champagne. Ils présentent là le neuvième spectacle d'une toute jeune compagnie, La Nouvelle Fabrique, dont les membres sont issus de l'ENSATT et ont déjà été à l'origine de grinçantes adaptations de La Vieille de Daniil Harms et du Numéro d'équilibre d'Edward Bond.
Pour l'occasion, privé de ses camarades de jeu, Colin Rey s'est ici offert L'Augmentation de Pérec. Un texte plus qu'ardu, et pour cause : kafkaïen, il repose sur les élucubrations et hypothèses d'un employé cherchant à obtenir un rendez-vous avec son chef de service dans l'idée de lui demander une augmentation - chacun y reconnaîtra une situation vécue, parfois comique, parfois révoltante.
Malgré quelques feuilles de secours, Colin Rey a tout avalé et il le recrache avec un allant et une énergie admirables, emportant le spectateur dans une véritable tornade verbale. Dommage que la scénographie, à base d'ordinateurs qui s'éclairent et s'éteignent en permanence, nuisent à sa compréhension. Sauf lorsqu'ils sont dévolus à l'illustration de la vie ringarde d'une secrétaire de direction, rendant ainsi aux écrits de Pérec leur caractère visionnaire. Car c'est bien de l'inanité du monde du travail, aliénant tout autant qu'infantilisant, qu'il est question, de cette fausse famille qui cannibalise l'existence. Sur scène, les deux acolytes suivent en parfaits métronomes cette cadence parfois si infernale qu'elle en devient vaine.
Nadja Pobel
L'Augmentation
Aux Clochards Célestes, jusqu'au mardi 27 mai