Il y a deux ans, la Biennale d'art contemporain de Lyon faisait sienne la «terrible beauté» de Yeats. Cette année, c'est à notre tour d'emprunter au poète irlandais son oxymore pour qualifier Matamore, le spectacle circassien que programme depuis la semaine passée le Théâtre de la Renaissance du côté du stade de Merlo, à Oullins. Rarement en effet a-t-on vu spectacle aussi monstrueux et, dans le même temps, aussi gracieux que ce détournement maboul et grotesque des codes de la cabriole sous chapiteau – de la voltige au clown en passant par le dressage canin, mis au point de concert par le Petit Théâtre Baraque (dont les fondateurs ont assisté Bartabas dans la création de son Théâtre équestre Zingaro) et le Cirque Trattola.
A tel point que, eussions-nous assisté plus tôt à l'une de ses représentations, nous aurions été tentés de faire figurer en Une de ce numéro l'un des nombreux tableaux le composant. Ce clown blanc interprétant au violoncelle et au séquenceur un tango funèbre, par exemple ; ou ce jongleur à la dentition proéminente préférant des revolvers aux traditionnelles massues ; ou encore ce Pierrot androgyne déclamant du Jean Tardieu, qu'un homme fort à barbe mérovingienne fera tournoyer tel un Minipouss pris dans une essoreuse lors d'un final aérien à couper le souffle. Tout Matamore est à l'image de cet ultime tour de piste – ou plutôt de fosse – : un spectaculaire et attendrissant freak show.
Benjamin Mialot
Matamore
Théâtre de la Renaissance hors les murs
Sous chapiteau au stade de Merlo, Oullins, jeudi 6 juin