Avant que l'épilogue ne soit énoncé, la blanche Ophélie, inanimée, se reflète dans un miroir incliné et tremblant. L'eau semble la recouvrir doucement. Elle apparaît enfin paisible. Cette scène est simple, sans fioriture et déchirante. Quand il travaillait dans un cabinet de notaire, William Shakespeare aurait participé à une enquête afin d'élucider comment une jeune fille était morte, par accident ou par suicide. Elle s'appelait Katherine Hamlet nous dit le narrateur. Belle anecdote qui boucle la boucle de ce spectacle à la fois construit et déconstruit comme un jeu de lego. Le metteur en scène et acteur Philippe Mangenot voulait, depuis sa rencontre en 2006 avec l'intournable traducteur André Markowicz, faire entendre la langue du dramaturge anglais en en donnant «une lecture linéaire et systémique». Pour la linéarité, tout le récit est balayé dans le premier quart d'heure : le roi du Danemark est mort, son frère a pris sa place sur le trône et épousé sa veuve mais Hamlet, fils du défunt, et amoureux de la belle Ophélie, cherche à se débarrasser de son oncle assassin. Mille fois ressassée, cette histoire est toujours une source inépuisable de mises en scène (à commencer par la récente, tonitruante et attachante version de Vincent Macaigne, Au moins j'aurais laissé un beau cadavre). Dans la deuxième partie de sa création, Philippe Mangenot choisit donc d'évoquer, via des séquences du texte, le pouvoir, les fantômes, Ophélie et réduit de 4h à 1h40 la durée de la pièce. Parfois décousu, le spectacle n'en est pas moins fort car aucun élément de décor, derrière lequel les personnages pourraient se dérober, n'encombre le plateau. Au contraire, avec un miroir sans tain et l'utilisation de la vidéo, les héros shakespeariens (qui sont joués tour à tour par les hommes et femmes de la troupe) sont traqués pour que leurs masques tombent et que l'illusion s'évapore. Le théâtre, lui, se revigore alors.
Nadja Pobel
Hamlet, or a piece of him...
Au Théâtre de l'Iris, jusqu'au dimanche 18 mars