Baux à destination des professionnels : mesurez vos engagements !
Me Kcenia Lombard / Si le bail commercial (ou bail « 3-6-9 ») est souvent la norme, d'autres options peuvent offrir plus de flexibilité ou mieux répondre aux besoins spécifiques du bailleur ou du preneur. Découvrez les nuances entre bail commercial, dérogatoire et professionnel pour choisir la solution la plus adaptée à votre situation et éviter les pièges courants.
Bail commercial : un cadre légal sécurisant pour le locataire
En matière de baux à destination des professionnels, la réglementation porte essentiellement sur le bail commercial. Ce statut s'applique de plein droit dès lors que trois conditions sont remplies 1 : il faut que le bail porte sur un immeuble ou un local, qu'un fonds de commerce soit exploité dans ce local, et que le preneur soit immatriculé au registre du commerce et des sociétés (attention au risque de remise en cause du bail lorsque la société du preneur est en cours de création et n'est pas encore immatriculée...). Concrètement, sous réserve que les critères susmentionnés soient respectés, à partir du moment où le preneur exerce une activité commerciale, artisanale ou industrielle, il sera par principe soumis au bénéfice du statut des baux commerciaux.
Ce régime est particulièrement intéressant pour le preneur, qui bénéficie ainsi d'un statut très protecteur : sauf cas particulier et dès lors qu'il exécute pleinement ses obligations dans le cadre du bail, il est assuré de rester dans les locaux pendant au minimum neuf ans, tout en ayant la possibilité de résilier sans motif particulier le bail à l'expiration de chaque période de trois ans (c'est-à-dire après 3, 6 ou 9 ans), en respectant un délai de préavis de six mois. Le preneur a droit au renouvellement du bail à l'expiration du délai de neuf ans, et, en cas de non-renouvellement, au versement d'une indemnité d'éviction.
S'agissant du montant du loyer, et sans entrer dans le détail des mécanismes de révision, l'augmentation est encadrée par la loi. Ainsi, sauf exception, la révision du loyer en cours de bail est plafonnée, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas dépasser la variation de l'indice choisi dans le bail (indice des loyers commerciaux, dit « ILC », ou indice des loyers des activités tertiaires, dit « ILAT »).
Le pendant de ce régime avantageux pour le locataire se trouve dans le fait qu'en pratique, les baux commerciaux sont bien souvent rédigés « côté bailleur », c'est-à-dire qu'ils visent à préserver au mieux les intérêts du propriétaire, et à transférer autant d'obligations que possible sur le preneur (charges et travaux, destination restrictive, interdiction de la sous-location, refacturation de la taxe foncière...). Que l'on soit preneur ou bailleur, il est donc nécessaire non seulement de connaître les principaux points de la réglementation du bail commercial, mais également de faire une lecture et une analyse pointilleuse du contrat de bail en question.
Sécurisant mais exigeant pour le preneur, le bail commercial fait l'objet d'une jurisprudence abondante, qui précise et ajoute encore à la loi existante. Pour autant, ce n'est pas la seule option possible...
Bail dérogatoire : une période d'essai plus courte volontairement choisie par les parties
Le bail dérogatoire trouve son nom dans le fait qu'il déroge précisément au statut des baux commerciaux. Il est donc par essence beaucoup moins encadré par la loi, et laisse plus de place à la volonté des parties. Notamment, le loyer est fixé librement par les parties et il n'existe pas de mécanisme de plafonnement. Toutefois, certaines obligations sont incontournables 2 : en premier lieu, les parties doivent exprimer clairement (à savoir par écrit et par une expression qui ne laisse aucune place à l'ambiguïté) leur volonté de déroger au statut des baux commerciaux. Afin d'éviter que ce bail n'en vienne à supplanter totalement le bail commercial, le législateur a prévu, et c'est la principale contrainte, que la durée totale du bail ou des baux successifs ne doit pas dépasser trois ans. À l'issue de cette première période, si les parties souhaitent poursuivre la location, un bail commercial devra être régularisé.
En réalité, ce type de contrat de bail apparaît généralement comme une « période d'essai » (d'une durée maximum de trois ans donc), plébiscitée par les bailleurs. Dans la mesure où il s'agit d'un contrat à durée déterminée, par principe, aucune des parties ne peut donner un congé anticipé avant l'arrivée du terme du bail ; chaque partie doit exécuter ses engagements jusqu'au terme du contrat, si bien qu'un locataire qui quitterait spontanément les lieux resterait tenu au paiement des loyers jusqu'au terme du bail.
Côté locataire, le principal inconvénient est qu'il ne bénéficie pas du droit au renouvellement à l'expiration du bail, ni au versement d'une indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement. À l'expiration de la durée du bail, celui-ci cesse automatiquement et le locataire doit libérer les lieux. Attention néanmoins, si le locataire se maintient dans les locaux à l'expiration de la durée du bail dérogatoire, et que le propriétaire ne s'est pas manifesté au plus tard dans un délai d'un mois, un nouveau bail est automatiquement conclu. Il est soumis au statut des baux commerciaux.
Par exemple, si le bail dérogatoire se termine le 31 mars 2025, et que le locataire reste dans les lieux jusqu'au 30 avril 2025 sans action du bailleur, le preneur sera au bénéfice d'un bail commercial de neuf ans à compter du 1er mai 2025. Il est donc indispensable d'être particulièrement vigilant à la fois lors de la rédaction du bail afin de veiller aux obligations de chaque partie, mais également au titre de l'exécution de celui-ci, et notamment au moment de son expiration.
Bail professionnel : un contrat spécifique pour les professions libérales
Le bail professionnel est un contrat de location d'un local utilisé pour une activité qui n'est ni commerciale, ni artisanale, ni industrielle, ni agricole. Il concerne donc principalement les professions libérales, réglementées ou non. Il se rapproche du bail dérogatoire en ce qu'il est très peu réglementé ; de nombreuses clauses sont laissées à la discrétion des parties. Toutefois, la loi 3 prévoit que ce bail est conclu pour une durée minimum de six ans et qu'il doit être établi par écrit.
Il est moins sécurisant que le bail commercial dès lors que chaque partie peut notifier à l'autre son intention de ne pas renouveler le contrat à l'expiration de celui-ci en respectant un délai de préavis de six mois. Il n'existe donc pas de droit au renouvellement, contrairement au régime du bail commercial. Il est également plus souple pour le locataire qui peut, à tout moment, notifier au bailleur son intention de quitter les locaux en respectant un délai de préavis de six mois. Un régime spécifique donc, réservé à une certaine catégorie d'activité, qui ne fait néanmoins pas obstacle à l'application du statut des baux commerciaux si telle est la volonté des parties.
Un socle commun quelle que soit la nature du bail
Quelle que soit la forme du bail retenue, certaines clauses se retrouvent invariablement dans les baux et doivent être soigneusement étudiées et rédigées afin d'éviter tout litige, notamment :
- La nature du bail ;
- La description des lieux (avec un plan annexé) qui doit permettre d'identifier les pièces, les surfaces, préciser l'existence d'une terrasse ou de places de parking... ;
- La destination des lieux, autrement dit la ou les activités autorisées par le bailleur ;
- L'état des lieux ;
- La répartition des charges et des travaux ;
- Le montant du loyer et des charges, ainsi que les modalités de révision du loyer ;
- La prise en charge de la taxe foncière ;
- L'assurance ;
- Le versement ou non d'un dépôt de garantie et son montant ;
- L'existence d'une clause résolutoire et ses conditions ;
- La fourniture des diagnostics obligatoires et de l'état des risques et de la pollution ;
- La conformité aux normes d'un établissement recevant du public (ERP).
Vous avez des questions sur votre futur bail ou besoin d'un accompagnement pour sa rédaction ? Faites-vous accompagner par un professionnel du droit pour vous assurer que votre contrat est en adéquation avec vos attentes et vos besoins !
1 - Article L.145-1 du Code de commerce.
2 - Voir notamment l'article L.145-5 du Code de commerce.
3 - Article 57 A de la Loi n° 86-1 290 du 23 décembre 1986.