Les fans de Kevin Smith seront surpris en découvrant Red state... En effet, s'ils s'attendent à trouver les habituelles potacheries et l'esprit geek du réalisateur de Clerks, ils déchanteront assez vite : Smith est en colère contre l'Amérique et entend le dire avec le même sérieux qui animait le brûlot de John Carpenter Invasion Los Angeles. On sait que le film a été tourné de manière complètement indépendante, le cinéaste n'ayant pas digéré les bidouillages effectués sur son précédent Top cops, œuvre de commande il est vrai assez indéfendable. Red state se déroule dans le midwest américain, où le christianisme a engendré une flopée de sectes à l'intégrisme extrême. Trois adolescents, qui ne voulaient au départ que tirer leur crampe, se font séquestrer par une de ces bandes de mabouls, dont le prédicateur entend bien laver les péchés de l'Amérique en sacrifiant tout ce qui, à ses yeux, relève du vice et de la corruption morale. Ledit pasteur est incarné par un phénoménal Michael Parks, qui s'offre un sidérant morceau de bravoure en tenant le crachoir plus de dix minutes durant pour vociférer des incantations illuminées avant de convier ses ouailles à une grande boucherie — un jeune gay en fait les frais. La charge contre les dérives fanatiques est radicale mais Smith, en changeant sans arrêt de point de vue et de protagoniste, évite de justesse le film à thèse. Lorsqu'il se fixe sur un agent de l'ATF (le RAID américain, on y revient), là encore génialement interprété par John Goodman, on pense qu'il a enfin trouvé sa figure positive. Mais lorsque l'assaut est donné contre la secte, ce sont les ambiguïtés de la raison d'État que pointe Smith. On ne peut d'ailleurs s'empêcher de faire le parallèle entre cette fiction et les événements survenus récemment à Toulouse... Cette double lecture éclairera d'ailleurs le discours, nihiliste et subversif, du cinéaste : et si la sévérité des autorités s'exerçait envers les extrémistes chrétiens comme elle l'a été envers les terroristes islamistes ? Kevin Smith montre alors les contradictions de son pays : impitoyable avec ses ennemis de l'extérieur, d'une coupable tolérance envers ceux qui travestissent de l'intérieur ses valeurs.
Christophe Chabert
Red State
Dimanche 8 avril à 15h15