Considéré comme le premier urbaniste de Lyon, Jean-Antoine Morand a notamment inventé le quartier des Brotteaux et développé la ville sur la rive gauche du Rhône à l'orée de la Révolution Française. Consignés dans de très nombreuses lettres, ses actes publics mais aussi des éléments de vie privée se dévoilent aux Archives municipales dans une exposition qui éclaire pleinement le XVIIIe siècle lyonnais. Nadja Pobel
Dans un siècle des Lumières finissant, le seul moyen de converser pour deux personnes séparées est encore d'écrire. À l'époque, Lyon compte seulement six boîtes aux lettres, mais le principe de la correspondance n'a guère évolué depuis : l'émetteur dépose sa missive dans une de ces boîtes, et plusieurs fois par jour, des tiers les transmettent au destinataire qui doit s'acquitter du prix du timbre. L'orthographe n'a pas encore été normalisée, les fautes n'en sont donc pas.
Depuis 1978, les Archives municipales sont dépositaires de ces milliers de documents écrits de la famille lyonnaise Morand.
Jean-Antoine Morand est un disciple de Soufflot. Peintre décorateur - notamment dans le Grand Théâtre de Lyon devenu l'Opéra -, il participe rapidement au développement urbain de Lyon et fait ses première armes d'architecte, toujours sous l'égide de Soufflot, dans le quartier Saint-Clair (actuelle rue Royale), sur le bras du Rhône comblé et rattaché à la Presqu'île. Mais la grande œuvre de Morand est le quartier des Brotteaux. Le mot ne désigne alors qu'une île de la plaine du Rhône en patois local et s'écrit «Broteau». Jean-Antoine Morand décide d'agrandir la surface de Lyon car, en traçant un plan circulaire de la ville, il s'aperçoit qu'au nord nord-ouest, il y a un espace non-construit. Il le comble en traçant des lignes d'immeubles avec boutiques et cafés. C'est le «grand pré lotissé». Pour se rendre dans ces terres recouvertes de prairie, il y avait alors un bac à traille sur le Rhône (l'argent perçu allait aux Hospices civils de Lyon). Quand il construit un pont de bois, Morand, instaure un péage afin que l'hôpital ne perde pas cette manne financière.
Guillotine
La révolution française va précipiter la fin tragique de cet architecte qui se voit obligé de démanteler une partie de son pont en 1793 sur demande du Général de Précy afin de stopper la progression des révolutionnaires. Le couperet des Républicains est sans appel : Morand est guillotiné sur l'échafaud le 24 janvier 1794 après trois mois d'emprisonnement au cours desquels il rédige deux à trois lettres par semaine à son épouse Antoinette, décrivant sa condition de détenu comme «un enfer dont il est impossible d'assez peindre les horreurs». D'autres lettres exposées, virulentes, celles de son fils à Antoinette prouvent que les conflits des riches héritiers ne datent pas des Béttencourt mère et fille ! Présentée jusqu'au 1er décembre, cette exposition sera différente en septembre, une partie des documents affichés sera remplacée par d'autres afin de ne pas nuire à leur conservation mais il sera toujours question de la saga Morand dont il est possible aussi de trouver des traces à Chassenay, dans leur propriété du château de Machy, et où le Chœur Britten donnera des concerts les 16 septembre et 13 novembre. Quant au pont Morand qui relie aujourd'hui la place Louis Pradel à la place Foch, il n'a plus de Morand que le nom puisqu'il fut construit en 1976 pour permettre au métro de circuler dans le tablier fixé sous la route. Il est à l'emplacement du pont de bois qui coûta la vie à Jean-Antoine Morand.
En toutes lettres
Aux Archives municipales
Jusqu'au samedi 1er décembre