Numériquement vôtre

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Alors qu'il continue à s'imposer sur les scènes nationales et internationales, le jongleur et informaticien Adrien Mondot décide de poser ses valises à Lyon, avec sa complice Claire Bardainne. Pour l'occasion, ils proposent aux Subsistances une fabuleuse exposition sur des paysages numériques et abstraits, ainsi qu'une conférence-spectacle disséquant leur approche minimaliste et graphique. Rencontre avec deux artistes atypiques au sens poétique aigu.Propos recueillis par Aurélien Martinez

C'est une histoire qui commence au début des années 2000. À cette époque, Adrien Mondot est encore informaticien à Grenoble, et vit de son métier. Mais quelque chose cloche... «L'informatique n'est pas une matière très épanouissante. Être enfermé dans un bureau de huit heures du matin à huit heures du soir, je sentais que j'avais pris un train pour la vie qui n'était pas le bon. J'ai donc sauté en route ! En parallèle, je faisais beaucoup de jonglage, je passais pas mal de temps à m'entraîner dans les parcs publics, puis à parcourir les festivals d'été. Et au fur et à mesure, c'est devenu de plus en plus difficile de retourner au travail le lundi matin ; jusqu'au moment où je me suis dit qu'il fallait faire un choix. J'ai senti, au cours de mes diverses pérégrinations festivalières, que c'était possible de vivre de ses rêves». Un informaticien qui serait aussi artiste ? Pourquoi pas. Le jeune homme fait alors le pas, et en 2005 naît sa compagnie Adrien M, mixant ses deux passions. Et déjà, les Subsistances l'accueillent avec Convergence 1.0, une expérience où le jonglage et l'informatique sont à la fois le propos et l'objet du spectacle.

«L'explication peut être spectaculaire»

Au fil des ans, le langage d'Adrien se développe et se précise, pour arriver en 2010 à Cinématique, présenté l'année dernière au Théâtre de Vénissieux : une création d'une épure fascinante, où des projections numériques volent en éclats lorsqu'elles rencontrent des balles de jonglage. Sur scène, tout semble simple et fluide, même si l'on devine une longue réflexion en amont pour parvenir à un tel résultat. D'où l'idée d'Adrien Mondot d'expliquer les soubassements de son monde numérique à travers une modeste conférence-spectacle nommée Un point c'est tout. «J'avais le désir de montrer comment les choses marchent. Les spectacles qui ont été faits par la compagnie laissent interrogateurs beaucoup de gens sur leur fonctionnement. Chaque fois que je me suis lancé dans des petites conférences pour donner des clés, j'ai trouvé ça rigolo. C'était donc un peu le point de départ du projet, il y a deux ans : se dire que l'explication en elle-même peut être spectaculaire». Une entrée en matière parfaite pour l'installation de la compagnie à Lyon.

La physique du point

Un point c'est tout témoigne ainsi du besoin qu'a Adrien Mondot de faire partager sa galaxie numérique au plus grand nombre, en en dévoilant les bases, qu'il définit comme très simples malgré la complexité des procédés. «Avec trois fois rien, on peut fabriquer un monde entier. Là, je n'utilise quasiment que des points comme support de mouvement – ça s'appelle la physique du point. C'est fascinant comment le seul mouvement d'un point peut évoquer tout un tas de choses : on peut y voir la peur, l'angoisse, la joie...». En résulte un tableau, dans Un point c'est tout, où Adrien Mondot se fait littéralement attaquer par une armée de points qui le contraint à se recroqueviller au sol. Cette image, à la force poétique impressionnante, est une illustration parfaite de l'univers qu'Adrien Mondot a construit depuis le début de son odyssée artistique. Notamment grâce à eMotion, le logiciel qu'il a élaboré lui-même : «un programme informatique d'animation en temps interactif [...], qui permet de composer des chorégraphies d'entités virtuelles telles que du texte, de l'image, des vidéos». Dans Cinématique, Adrien fait ainsi danser des lettres projetées sur un écran en tulle. Dans l'exposition XYZT, qu'il dévoile cette semaine aux Subsistances, l'expérience est encore plus forte, puisque le visiteur est le capteur, qui manipule lui-même le réel. On peut alors se promener dans un champ de vecteurs qui se meuvent sous nos pas, ou encore diriger un tourbillon de points en bougeant seulement la main. Mais Adrien Mondot s'est aussi servi d'eMotion pour des spectacles d'autres metteurs en scène. Wajdi Mouawad lui avait ainsi confié toute la partie création vidéo de Ciels.

Ensemble, c'est tout

Adrien Mondot s'est aussi souvent entouré d'artistes (comme la danseuse Satchie Noro dans Cinématique), tout en avançant seul aux commandes de sa compagnie. Jusqu'à sa rencontre en 2010, au cours d'un des labos qu'il mène ici et là, avec la plasticienne Claire Bardainne : «Je viens du monde des arts visuels, avec une formation de graphiste et de scénographe. J'ai toujours travaillé sur l'idée du signe dans l'espace, et comment ça se passe quand le signe se dégage de l'écriture et vient prendre la place d'un personnage». Entre eux deux, la symbiose semble évidente, l'un finissant les phrases de l'autre, et inversement. La possibilité qu'Un point c'est tout, lancé avant leur collaboration, se poursuive à deux, a tout de suite été une certitude. «Avec Claire, on a beaucoup discuté sur le projet, que l'on signe maintenant à deux : il a donc beaucoup évolué. Qu'est-ce que l'on a vraiment envie de dire, là, aujourd'hui, maintenant ? Eh bien on a envie d'annoncer nos axes futurs de travaux, tout en évoquant le passé».

Désirs d'avenir

Adrien à été en résidence au Manège de Reims, puis à l'Hexagone de Meylan, près de Grenoble. Aujourd'hui, à Lyon, il veut bel et bien «se poser pour mener des recherches au long cours», comme l'explique Claire. Ils ont acheté un lieu permanent quai Saint-Vincent, dans le premier arrondissement. «Ça va être un changement de rythme et de façon d'aborder la construction des matières, des spectacles, des expos... On aura du temps pour développer le logiciel, pour consolider cet outil», explique Claire. Et avancer ensemble. Aux Subsistances, outre les deux projets déjà évoqués, ils dévoileront ainsi une première étape de recherche d'une future performance avec la danseuse Virginie Barjonet, nommée Hakanaï, et pensée à l'intérieur d'une des pièces d'XYZT. Il est donc à parier qu'après ce temps fort autour de la compagnie, on entende à nouveau parler d'Adrien Mondot et Claire Bardainne. En bien, évidemment.

Adrien M / Claire B
Aux Subsistances
XYZT, les paysages abstraits, du 14 au 30 juin
Hakanaï, du 26 au 30 juin
Un point c'est tout, du 26 au 30 juin

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