De la part du créateur de Kaamelott, rien ne pouvait laisser présager une entrée au cinéma aussi singulière que ce David et Madame Hansen. Loin d'exploiter un filon, Alexandre Astier le prend à rebrousse-poil avec cette œuvre aussi mélancolique que l'automne sur le lac du Bourget, où se déroule une partie de l'action. On y voit un ergothérapeute fraîchement investi dans une clinique en Suisse (Astier lui-même, tout en retenue et chuchotements), qui doit s'occuper d'une patiente souffrant d'amnésie post-traumatique, Madame Hansen-Bergmann, qui porte sur le monde un regard imprévisible et d'une mordante lucidité. C'est le thème du film : la norme bousculée par une pathologie qui devient une forme de santé face à des êtres coincés dans leur conformisme. Astier l'aborde avec son habituelle maîtrise d'écriture, et une mise en scène d'une belle simplicité, même si elle se laisse parfois aller à quelques inutiles ralentis et fondus enchaînés. Ce qui touche dans David et Madame Hansen, c'est la manière dont Astier redouble la quête de communication entre les deux protagonistes par son propre dialogue de comédien avec une Isabelle Adjani impressionnante. Comme deux mondes de cinéma qui chercheraient un territoire commun, Astier et Adjani se défient, elle avec ses mots à lui, lui face à son regard magnétique qui vient le percer à jour chaque fois qu'elle retire ses lunettes noires — jolie idée. C'est en définitive dans un plan presque bergmanien que les deux se rejoignent, et l'émotion qui monte à cet instant tient autant à la situation qu'au sentiment d'assister à une forme de filiation entre deux générations d'acteurs partageant un même goût du jeu pur et juste.
Christophe Chabert