Reality

Reality

Entre satire de la télé réalité, comédie napolitaine façon Pietro Germi et portrait stylisé d'un individu au bord de la folie, le nouveau film de Matteo Garrone séduit par ses qualités d'écriture, de mise en scène et par la performance hallucinée de son acteur, Aniello Arena.Christophe Chabert

Sans révéler la fin de Reality, il faut absolument évoquer son dernier plan, fascinant zoom arrière qui part d'un détail (un homme qui rit sur un fauteuil en regardant les étoiles) et s'achève sur une vision panoramique d'un studio de télévision géant au milieu de la ville. Il faut en parler car il dit tout le projet de Matteo Garrone : répondre par l'ampleur du cinéma à l'étroitesse des dispositifs télévisuels.

L'ouverture est d'ailleurs une rime inversée de cette formidable conclusion : on accompagne par un travelling aérien une calèche qui traverse les rues de Naples, avant de descendre sur terre pour découvrir qu'il ne s'agit que d'une mise en scène de mariage, celle-ci en côtoyant une autre, nettement plus vulgaire, dont l'invité principal est le gagnant du Big Brother italien.

C'est la part satirique de Reality, celle qui consiste à mesurer les dégâts de la télé-réalité dans le quotidien des gens ordinaires, mais aussi sur le cinéma lui-même : on découvre ainsi que les studios de Cinecitta sont loin de Fellini, hébergeant à sa place les castings des futures émissions où des inconnus deviendront d'éphémères célébrités.

La vie contre le live

Ce pamphlet-là ne va pas très loin, et Garrone préfère recadrer son récit autour de Luciano (incroyable Aniello Arena, une vraie nature d'acteur à la Alberto Sordi), poissonnier napolitain un peu escroc sur les bords, qui va se persuader qu'il peut à son tour devenir une star.

Au cœur du film, le cinéaste retrouve un peu de l'esprit de la comédie à l'italienne façon Pietro Germi, notamment par les qualités de son dialogue qui culmine dans la séquence géniale où Luciano et son acolyte tentent de "recadrer" une de leurs clientes dans une église. Ce comique de situation prend une tournure plus inquiète et kafkaïenne dans la dernière partie, et c'est le reproche que l'on peut faire à Garrone : son film a la bougeotte et finit par ne tenir aucune direction narrative ou thématique, zappant frénétiquement d'un registre à l'autre.

La cohérence, toutefois, se trouve dans une mise en scène qui s'avère à la fois élégante et pleine de sens : Garrone joue la carte du plan-séquence sophistiqué pour répondre au live illusoire, car découpé et remonté par une armée de techniciens de l'ombre, de la télé-réalité. Plus encore que dans sa fable parfois simpliste, c'est bien par la forme que Reality prend sa revanche sur la vulgarité télévisuelle.

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Jeudi 12 mars 2020 Les annulations et reports s'accumulent dans presque toutes les structures de la métropole, impactant durement tout un écosystème déjà fragile. Voici ce qui nous a été communiqué. Nous mettrons cet article à jour au fur et à mesure. (dernière mise à...
Jeudi 12 juillet 2018 Un brave toiletteur pour chiens et une brute qui le traite pis qu’un chien sont au centre de "Dogman", le nouveau conte moral de Matteo Garrone. Une histoire italienne d’aujourd’hui récompensée par le Prix d’interprétation masculine à Cannes pour...
Mercredi 1 juillet 2015 De Matteo Garrone (It-Fr-Ang, 2h13) avec Salma Hayek, Vincent Cassel, Toby Jones…
Mardi 31 mars 2015 Pendant dix jours, le centre culturel d’Écully et son cinéma proposent une superbe programmation autour de l’Italie, avec expositions, concerts et (...)
Mardi 30 septembre 2014 Avec "Tristesse de la Terre", Eric Vuillard confirme son goût pour la remise à l'heure des pendules historiques. Dans une geste poétique magistrale, l'auteur lyonnais s'y attaque à la vie d'imposture de Buffalo Bill et à son Wild West Show,...
Mardi 25 septembre 2012 Avec ce beau film intime et douloureux, Jaime Rosales réussit à conserver la radicalité formelle de son cinéma tout en y faisant entrer une émotion pudique, donnant sa définition très personnelle du mélodrame. Christophe Chabert
Mardi 21 août 2012 De septembre à décembre, le programme de la rentrée cinéma est riche en événements. Grands cinéastes au sommet de leur art, nouveaux noms à suivre, lauréats cannois, blockbusters attendus et peut-être inattendus. Morceaux de choix à...
Jeudi 31 mai 2012 Palmarès décevant pour festival décevant : Cannes 2012 a fermé ses portes le dimanche 27 mai, laissant une poignée de beaux films, une Palme logique et quelques figures récurrentes d’un film à l’autre. Dernier bilan. Christophe Chabert
Dimanche 20 mai 2012 Le 65e festival de Cannes arrive déjà à mi-parcours de sa compétition, et celle-ci paraît encore bien faible, avec ce qui s’annonce comme un match retour de 2009 entre Audiard et Haneke et une forte tendance à la représentation du sentiment...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X