Durant tout le mois de décembre à l'Institut Lumière et dans le cadre de la Ciné-collection du GRAC, Les Enfants du Paradis vont refaire l'événement. Une reprise massive à la hauteur du film mais aussi du long et patient travail de restauration numérique qui lui a été consacré — sans parler de la grande exposition qui a lieu en ce moment à la Cinémathèque française.
Les Enfants du Paradis, c'est d'abord un emblème, celui du réalisme poétique né de l'association entre son réalisateur Marcel Carné et son scénariste et dialoguiste Jacques Prévert. Pourtant, il est à l'opposé des autres réussites du tandem. Ici, pas de sujet social comme dans Le Crime de Monsieur Lange ou Le Jour se lève ; c'est en 1830, dans le Paris de l'après-Révolution française, et plus précisément sur le «boulevard du crime», l'endroit où l'on croisait tous les saltimbanques, que Carné et Prévert racontent comment un mime (Jean-Louis Barrault) et un acteur novice (Pierre Brasseur) tombent amoureux de la même femme, Garance (étincelante Arletty).
L'ambition du film repose à la fois sur son goût du romanesque et sur son ampleur (un travail exceptionnel de Trauner sur la reconstitution du décor). Sa légende tient aussi au miracle de sa fabrication, en pleine deuxième guerre mondiale, dans les mythiques studios de la Victorine à Nice. Elle réside enfin dans l'idée, simple et magnifique, que le cinéma est cet art qui peut englober tous les autres et leur rendre leur essence populaire : le «Paradis» du film, ce sont les places les moins chères du théâtre, celles qu'achetait le peuple pour vivre intensément le spectacle. Paradis perdu ? Non, paradis retrouvé !
Christophe Chabert
Les Enfants du Paradis
À l'Institut Lumière, du 5 au 22 décembre
Dans les salles du GRAC (www.grac.asso.fr) jusqu'au 7 janvier