"Le Messie" de Haendel, oratorio truffé de tubes interplanétaires, se donne à l'opéra de Lyon dans une mise en scène simplement belle de la très controversée Déborah Warner. Un travail tout en élégance qui, nonobstant certaines réserves, reste au service d'une musique et d'une réflexion théologique aussi puissantes l'une que l'autre. Pascale Clavel
Pour la Première du Messie, à Dublin en 1742, l'engouement était tel que pour faire plus de place, on demandait aux dames de ne pas mettre de robe à cerceaux et aux hommes de s'abstenir de porter l'épée. A son issue, même l'évêque prit la parole : «La composition plaira à tous ceux qui ont des oreilles et qui écouteront, qu'ils soient instruits ou non».
Ce fulgurant oratorio de l'Allemand Haendel, est une œuvre inhabituelle, religieuse mais lyrique à souhait, découpée en trois parties porteuses d'un puissant sens théologique. La Nativité, la Passion, la Résurrection : trois temps de réflexion des plus inspirés, en tout cas lorsque Le Messie est joué dans sa version oratorio, qui nous place seuls face à une musique et un texte que rien ne vient perturber. Quand intervient une mise en scène, c'est une toute autre histoire...
Un Messie incarné
L'univers de Déborah Warner secoue souvent les cocotiers opératiques. Son adaptation du Tour d'écrou de Benjamin Britten, notamment, avait fait grand bruit à Londres. Pour ce Messie, rien de tout cela ; on assiste même à une lecture spirituellement juste mais en définitive assez linéaire de l'œuvre, limite pédagogique, en dépit de l'esthétisme maîtrisé des décors et d'un travail sur la lumière très léché. Le mélange d'images de nos vies urbaines et de fragments d'Annonciations de Fra Angelico fonctionne lui aussi plutôt bien.
Dans la fosse, on s'agite pour tenir les deux heures trente de musique, la chef Laurence Cummings galvanisant l'orchestre de bout en bout. Résultat : l'équilibre est parfait, le swing de la partition jaillit, les phrasés déchirants et lancinants de l'air d'alto «but who may abide the day of his coming» sont terriblement humains.
Dommage que parmi le quatuor de solistes, seule la soprano Sophie Bevan sorte du lot. Les trois autres manquent de corps, de voix et peut-être d'idées pour incarner cette histoire fondatrice. Les chœurs, enfin, pêchent par des timbres peu crédibles, faussement décolorés. La faute à la mise en espace, qui les éclate et désamorce l'effet de puissance attendu. L'ensemble n'en demeure pas moins convaincant, à défaut d'être miraculeux.
Le Messie de Haendel
à l'Opéra de Lyon, jusqu'au 14 décembre