Opéra / Après deux saisons perturbées par la crise sanitaire, l'Opéra de Lyon rouvre ses portes avec une saison qui reste fidèle à sa vocation d'innovation, de créativité et d'ouverture.
Verdi et ses bouffons
Cette année, deux œuvres du compositeur italien sont au programme : Falstaff et Rigoletto. Avec le premier, c'est un homme de cour à l'âme de bouffon qui est mis en scène. Dans le deuxième, nous assistons à la tragédie du bouffon de cour qui possède l'âme d'un prince. Bien que quarante-deux ans séparent leur création, ces deux opéras ont une place particulière dans l'œuvre de Verdi. Pour Rigoletto (du 18 mars au 7 avril), le maître s'est battu contre la censure afin d'imposer le livret d'après Le roi s'amuse de Victor Hugo. Quant à Falstaff (du 9 au 23 octobre), issu du répertoire shakespearien, le compositeur s'est laissé convaincre d'écrire un dernier chef-d'œuvre et qui plus est, une comédie. Dirigé par le chef Daniele Rustioni, le Lyonnais Stéphane Degout poursuit son exploration du répertoire verdien en interprétant Ford dans Falstaff ; et dans Rigoletto, le Duc de Mantoue sera chanté par le ténor sicilien Enea Scala qui a été la révélation au public de l'opéra dans La Juive en 2016.
Trois femmes à la baguette
Il y a des traditions plutôt malheureuses et l'absence de femmes comme cheffe d'orchestre en est une. Heureusement, le monde change et elles sont de plus en nombreuses à montrer que leur talent à diriger vaut bien celui des hommes. Pour rompre avec cette mysoginie ambiante, l'Opéra de Lyon confie la baguette à trois d'entre elles. Du 15 au 23 janvier, Valentina Peleggi dirigera María de Buenos Aires du compositeur argentin Astor Piazzolla et du 9 au 20 avril, c'est Karine Locatelli qui sera dans la fosse pour une adaptation d'Hänsel et Gretel d'Humperdinck. Enfin pour clôre la saison, c'est Elena Schwarz qui sera aux commandes pour Peer Gynt, du dramaturge norvégien Ibsen et de son compatriote Grieg pour la musique, du 4 au 13 juin.
Deux maîtres à contre-emploi
Ils sont nés tous les deux en 1685 mais ne se sont jamais rencontrés. L'un a écrit plus de quarante opéras, l'autre aucun. Cependant, ils partagent tous deux l'affiche de cette saison. Avec Haendel, ce n'est pas l'un de ses opéras qui sera joué mais son oratorio Le Messie (du 13 décembre au 2 janvier) dans la mise en scène de Deborah Warner reprise de 2012. Le challenge paraît plus grand avec Jean-Sébastien Bach mais Katie Mitchell, qui a déjà mis en scène La Passion selon Saint-Matthieu relève le défi en créant de toute pièce Nuit Funèbre (du 19 au 27 mars), une méditation sur la mort d'après plusieurs cantates du Cantor de Leipzig.
Trois créations ou presque
Fidèle à sa vocation d'enrichir le répertoire lyrique, l'Opéra de Lyon propose deux nouvelles œuvres en création mondiale. Avec Zylan ne chantera plus (du 6 au 13 novembre), la jeune compositrice de Singapour Diana Soh et le dramaturge Yann Verburgh offre un opéra contre l'homophobie. Une homophobie que Thierry Escaich avait déjà évoquée en 2013 dans son premier opéra Claude sur un livret de Robert Badinter. Fort de se succès, le compositeur revient à Lyon pour créer son deuxième opéra Shirine (du 2 au 12 mai), une œuvre inspirée de Nizami, le poète persan du XIIe siècle. Le livret a été confiée à Atiq Rahimi. Cette histoire d'amour impossible dans un univers où les religions s'opposent ne pourra que résonner avec l'actualité afghane, pays d'origine de l'écrivain, lauréat du prix Goncourt 2008. Enfin, l'Opéra de Lyon poursuit son travail à faire (re)vivre les opéras de Franz Schreker. Considéré comme artiste dégénéré par le régime nazi, ses opéras sont injustement tombés dans l'oubli. Après Les Stigmatisés en 2015, c'est donc au tour d'Irrelohe de trouver du 19 mars au 2 avril une seconde vie grâce à la scène lyonnaise.