A partir d'œuvres de ses collections, l'Institut d'Art Contemporain propose un parcours à travers les images en mouvement. Une exposition particulièrement réussie où l'intelligence des propos artistiques n'exclue ni les émotions ni le plaisir des sens.Jean-Emmanuel Denave
Dans le cadre d'un rendez-vous désormais bisannuel, l'IAC présente une partie de ses collections (1700 œuvres environ) sous l'angle simple de l'image-mouvement (vidéos, films, installations vidéos...). On craignait un peu d'y découvrir des artistes persiflant sur le trop-plein d'images contemporain, la bêtise des médias et de ceux qui les regardent. Mais, à une ou deux exceptions près, ce n'est pas le cas.
Il plane plutôt sur cette exposition (dont il faut souligner la qualité de l'accrochage en termes de rythme, de durée, de respiration entre les salles) l'ombre d'un Jean-Luc Godard qui, séparant l'image et le son, jouant sur les mille possibilités du montage, ouvrant l'image à son hors champ ou à son mode de production, n'en crée pas moins des films au contenu poétique, émouvant, sensible. Elle plane par exemple sur le travail de Melik Ohanian, une projection en plein désert du brûlot anti-Nixon Punishment Park de Peter Watkins (désert qui n'est autre que le lieu du tournage du film en 1971). A ceci près que nous ne voyons, à la tombée de la nuit, qu'un gros projecteur dévidant sa pellicule dans le vide, mais entendons la bande-son.
Cinéma sans image
Elle plane de manière plus emblématique encore sur la double projection décalée de Balbutio de Laurent Montaron. L'artiste joue ici d'une mise en abyme de l'original et de la copie, du réel et de son double, monte ses images de manière chronologiquement désordonnée et attache néanmoins une grande importance à la qualité de ces dernières, à l'ambiance énigmatique de son récit éclaté, celui d'un jeune garçon décryptant un message secret apporté par un pigeon... En plongeant les mains dans le cambouis de ces mécanismes, en faisant déraper ces circuits formatés, les artistes redistribuent donc les possibilités de l'image et les places allouées à ceux qui la regardent.
Parfois de manière très rudimentaire avec Pipilotti Rist bidouillant ses vidéos pour créer d'émouvantes formes de lyrisme ou de provocation. Parfois de manière plus complexe avec l'Espagnol Jordi Colomer nous entraînant dans un dispositif Lynchien et pointant la place aveugle du spectateur. Parfois encore avec humour, comme dans Les Chefs d'état de Bernard Bazile, où quatre écrans diffusent des images d'archive, l'artiste utilisant le procédé pour mettre en parallèle les gestes, les scènes de vie quotidienne et les postures d'une quarantaine de personnalités politiques du XXe siècle. L'exposition se termine sur une œuvre de Anthony McCall qui utilise la simple diffusion de lumière pour dessiner un espace sculptural. Dans ce "cinéma sans image", même réduite à l'état d'onde, l'image bouge encore.
Collection'12
à l'Institut d'Art Contemporain jusqu'au dimanche 3 février