Le festival international Sens Interdits se tiendra du 23 au 30 octobre dans divers théâtres lyonnais. Décryptage de son contenu.
Bien souvent, dans les théâtres, des artistes d'ici nous racontent le monde (quand ce n'est pas leur tout petit monde). Durant Sens Interdits, festival de théâtre international créé en 2009, ce sont des comédiens et metteurs en scène d'ailleurs qui viennent nous dire comment ils vivent, quelles sont leurs interrogations, mais aussi et surtout comment ils font du théâtre. À l'initiative de Patrick Penot, co-directeur des Célestins et lui-même baroudeur qui a travaillé en Europe de l'est avant et après la chute du Rideau de fer, des questions essentielles de mémoire, d'identité et de résistance seront posées durant sa troisième édition, programmée du 23 au 30 octobre sur onze scènes de Lyon et des alentours.
Les femmes y occupent une très large place, un hasard qui en dit long sur leur manière de porter haut la parole de leur peuple: Nicole Öder nous emmène dans le quartier de l'immigration turque de Berlin, Neukölln pour évoquer l'intégration dans ArabQueen (au TNG), la troupe du Chœur de femmes polonaises de Marta Górnika réhabilite le souffle antique et critique (à la Renaissance), les Hongrois de Szorol Szora évoquent les meurtres perpétrés dans leur pays contre la communauté Rom (aux Subsistances), Tatiana Frolova, de sa Sibérie lointaine porte un coup cinglant à la politique de son pays défiguré par Poutine avec Je suis (aux Célestins)...
À chaque fois, l'Histoire s'entrechoquera avec ces spectacles, que ce soit celle du Chili de Michelle Bachelet (Villa + Discurso), celle de l'ex-Yougoslavie (Maudit soit le traître à sa patrie, co-réalisé par des slovènes et l'enfant terrible du théâtre croate, Oliver Frljic) ou encore celle du Cambodge. Il y a deux ans débarquaient ainsi à Lyon trente-six jeunes Cambodgiens pour raconter leur pays, l'histoire de leurs parents et du roi Sihanouk, qui a gouverné entre 1953 et 2004. Cette troupe revient cette année pour présenter la deuxième partie cette l'épopée éblouissante, en n'omettant cependant pas de re-jouer le premier volet. Entre ces deux créations, Sihanouk est décédé le 15 octobre 2012, a bénéficié de funérailles nationales et sa patrie n'en finit plus de juger ses bourreaux khmers rouges. Ainsi va Sens Interdits, entre force du théâtre et reflet politique du monde.