L'art, la danse et l'écriture qui aspirent à la transe, au mouvement des identités et des images, courent aussi le danger de l'informe, du trou noir d'un miroir sans reflet. Le fondateur des Ballets C. de la B. (entité trans-disciplinaire par excellence, entre danse et théâtre), Alain Platel, s'est souvent confronté aux bizarreries de l'hystérie et de la déraison. Vsprs par exemple, en 2006, en reprenait les gestes singuliers aux secousses spasmodiques. Platel se veut plus largement le défenseur d'une «danse bâtarde», demandant à ses danseurs de puiser leurs mouvements au moment où ils se «blottissent dans ce coin de cerveau encore préservé de toute civilisation».
Sa nouvelle pièce, Tauberbach, part à nouveau sur les traces de la folie, avec l'histoire d'Estamira, schizophrène brésilienne ayant développé son propre mode de communication et survivant au milieu d'une décharge à Rio de Janeiro. «Tauberbach est l'histoire d'une femme qui est épluchée. Une femme qui mène sa vie à l'intérieur de sa tête mais qui, au fur et à mesure, découvre son corps» précise ainsi Koen Tachelet, dramaturge de la pièce.
Si Alain Platel et Ulf Langheinrich sont les deux invités reconnus du festival Sens Dessus Dessous, consacré par ailleurs à la jeune création chorégraphique, on notera également la présence, , dans la programmation, de la Canadienne Catherine Gaudet avec son duo Je suis un autre (entre le «Je est un autre» de Rimbaud et le «Je suis l'autre» de Nerval). «Je suis un autre s'est construit sur le terrain de la contradiction entre ce que nous croyons ou voulons être et nos instincts...Je suis un autre est né de la sensation d'enfermement générée par les conventions et cherche à mettre à jour la multiplicité et l'ambiguïté de l'être qui se cachent sous leur vernis» dit de lui la chorégraphe qui, entre lignes précises et gestes bruts, explore les tensions et les contradictions de la psyché et du corps humains.
Jean-Emmanuel Denave
Sens Dessus Dessous
A la Maison de la danse, jusqu'au samedi 29 mars