Toujours faire fi des a priori. Même si l'écriture de Wajdi Mouawad s'avère souvent ampoulée, même si la forme du monologue effraie toujours un peu, il faut aller voir cet Obus dans le cœur. Précisément parce qu'il ne se résume pas à cela.
Wahad, 19 ans, doit rejoindre urgemment le service de soins palliatifs où va s'éteindre sa mère. Dans la froideur de l'hiver, on le voit monter dans un bus, s'engueuler avec le conducteur puis maudire la salle d'attente de l'hôpital, avant de s'assoir sur le bord du lit de celle qui l'a mis au monde (et avec laquelle il n'a d'ailleurs pas que des souvenirs heureux). Pourtant, le plateau est nu, n'était la présence d'un mur mobile, d'une chaise et de deux-trois morceaux de bois posés au sol pour délimiter un espace.
Le mérite de cette force d'évocation revient essentiellement à Loïc Puissant (cie Autochtone), excellent comédien issu de l'ENSATT qui, de surcroît, s'est lui-même mis en scène. Maîtrisant parfaitement les changements de rythme et de tonalité, il parvient même à incarner un gamin, exercice trop souvent irritant, à l'aide d'un simple élément de décor vaguement réaliste (des vêtements séchant sur un fil).
La réussite du spectacle tient aussi dans ce genre de détails, à l'instar de ce final ingénieux et touchant : à force de se déplier dans les mains du marionnettiste Lodoïs Doré, la chaise s'anime et devient objet transitionnel entre l'enfance et l'âge adulte de Wahad, qui traverse sa douleur avec autant de pudeur que Loïc Puissant habite cet Obus dans le cœur.
Nadja Pobel
Un obus dans le cœur
Aux Clochards célestes, jusqu'au jeudi 4 décembre