Délicat et précieux, le spectacle que le TNP a destiné aux enfants en cette fin d'année ne manque pas de beauté. Mais laisse perplexe quant à la capacité de ce théâtre à faire honneur à son insigne de "populaire". Nadja Pobel
Utilisée chez Bergman, Fellini et même chez Truffaut (dans La Chambre verte), la lanterne magique est une résurgence des origines de la projection d'images que l'on peut voir exposée dans la Villa Lumière. Cet objet apparait en 1659 à La Haye dans le laboratoire d'un astronome, Christiaan Huygens. Pour la première fois, une image peut être diffusée et agrandie sur une surface lointaine, à partir d'une peinture sur plaque de verre, et éventuellement produire des effets de mouvements en superposant une autre figure et en en la faisant coulisser dans ce gros engin de bois. C'est toutefois au XIXe siècle que ce procédé connaitra un véritable succès. Ce sont alors surtout des dessins fantasmagoriques, des mises en forme de récits mythologiques, qui sont proposés.
Depuis 2010, Louise Moaty le réhabilite, sillonnant les routes pour le porter à la connaissance du public dans des conditions ancestrales, c'est-à-dire éclairé à la bougie (saluts compris !), et s'inscrivant là dans le travail qu'elle mène en collaboration avec le metteur en scène Benjamin Lazar qui lui aussi travaille cette esthétique, parfois de façon trop aride (Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé, passé par le TNP), parfois d'une manière parfaitement convaincante (Pantagruel, également vu à Villeurbanne).
Lueur
Louise Moaty a eu la belle idée de dessiner elle-même sur son support, en s'inspirant de musiques de Couperin. Et voilà que défilent un ban de poissons, des passants en ombres chinoises à Saint-Germain-en-Laye et même un voyage à Venise explorant toutes les possibilités de cet outil (un travelling sur la lagune, une profondeur de champ remarquable sur le pont des soupirs et un feu d'artifice qui s'anime !). Tout aussi incontestable est la qualité du concert livré par Violaine Cochard, claveciniste reconnue dont le toucher permet d'apprécier toute la fragilité et l'originalité de cet instrument.
Simplement d'images et de son, le spectacle est d'une délicatesse absolue. Mais il est aussi d'un anachronisme qui pose tout de même question. Car même s'il n'est pas rédhibitoire en tant que tel — surtout à l'heure où ce sont des écrans qui éclairent les chambres d'enfants — le TNP, qui affiche sur son fronton le doux qualificatif de populaire et qui, comme tous les autres lieux subventionnés, a pour mission d'accueillir tous les publics, semble ici faire acte de rétractation en ne tendant la main qu'aux enfants de ses abonnés. On espère que les chiffres de fréquentation nous contrediront.
La Lanterne magique de Monsieur Couperin
Au TNP jusqu'au dimanche 21 décembre