Juste à côte de l'Arbresle, entre Lyon et Roanne, Le Corbusier a implanté, en 1960 et à la demande directe des Frères dominicains, un couvent dédié à la prière mais aussi à la recherche. Toujours utilisé par une poignée d'entre eux, ce temple de béton est ouvert à tous. Visite. Nadja Pobel
C'est un rectangle de béton posé en pleine nature, au bout d'une petite route qui monte légèrement. Le couvent de la Tourette n'est pas isolé du monde, mais semble le regarder vivre à ses pieds, du haut de son terrain en déclivité. Quand, à la fin des années 50, les frères dominicains font appel à Le Corbusier, ce dernier, agnostique mais fasciné par le sacré, a déjà livré, cinq ans plus tôt, la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (Haute-Saône).
Ici, dans le Lyonnais, il abandonne ses formes arrondies et reprend son modèle d'habitation : des formes géométriques et des lignes droites. Et une utilisation maximale de la lumière extérieure. Ainsi, dans les couloirs, il y a très peu d'éclairage. Á la place, des fenêtres, presque des fentes, guident le visiteur dans sa marche, même au plus sombre de la journée voire de la nuit. Au bout, pour amorcer un virage, des brise-soleil donnent le sens de la déambulation. De la même façon, les volées d'escaliers ne sont équipées que de toutes petites lampes coincées au bas des marches.
Cité radieuse
En plus de l'église, dotée d'un toit-terrasse accessible, deux types d'espaces aux formats et fonctions opposés se distinguent très nettement. Exigües et appelant à la solitude, les chambres sont l'antre personnelle des religieux. On peut aujourd'hui y dormir une nuit (pour 37€). Dans un rectangle d'1, 83 mètres par 5, 92, ces cellules sont équipées d'un lit (une place, cela va sans dire), un bureau, un placard, un lavabo et une loggia ombragée. En regard, de grandes pièces, distribuées par de larges couloirs qui dessinent une croix, invitent à la réunion (ou à la communion pour les croyants).
On trouve aussi des salles d'offices bien sûr, ainsi qu'un réfectoire où il est possible de manger (sur réservation), une bibliothèque et des salles de travail. Car les Frères ne vivent pas reclus, mais au contact du monde, travaillant bien souvent à l'extérieur du couvent. À chaque fois, des vitrages dits ondulatoires baignent ces espaces d'une luminosité sans cesse modelée par des baies vitrées de largeurs diverses et inspirées par la musique contemporaine de Xénakis.
In fine, tout religieux qu'il soit, cet édifice est une bonne entrée en matière dans l'œuvre du "Corbu" car, outre le béton et la lumière, on retrouve sa signature dans les pilotis qui soutiennent cette construction, les couleurs primaires de l'intérieur ou encore l'austérité et la neutralité des contours que l'on peut observer notamment dans ses unités d'habitation de Firminy ou Marseille.
Couvent de la Tourette d'Éveux (Rhône)
Visite guidée le dimanche à 14h30 et 15h30 ; 5€/7€ ; Possibilité d'y dormir pour 37€