Entretien / Gilbert Amy a 80 ans. Compositeur, pédagogue, chef d'orchestre, ancien directeur du CNSMD de Lyon, il est célébré un peu partout en France et l'on redécouvre avec son œuvre tout un pan de la musique contemporaine, un univers expressif, complexe, subtil où rien n'est laissé au hasard. Rencontre avec un post-sérialiste sérieux.
Comment définiriez-vous votre univers musical ?
Gilbert Amy : Ma musique s'est éloignée de l'univers tonal pour chercher d'autres éléments, pour explorer d'autres terrains, celui du son par lui-même. Ma musique est également pétrie de nouvelles recherches sur le rythme, sur les musiques extra-européennes. Elle exploite des codes qui sont éloignés de la tonalité et du confort quotidien.
Vous avez pioché dans le plain-chant du Moyen Âge pour construire une œuvre tout à fait contemporaine, Les litanies pour Ronchamp. Le réemploi de musique du passé vous inspire-t-il ?
Oui, en dehors du langage dans lequel je m'exprime avec naturel, il y a des éléments étrangers à ce langage qui peuvent se mêler. Pour le plain-chant, il s'agissait de circonstances très particulières. Les Litanies pour Ronchamp est une œuvre sur commande pour la chapelle de Ronchamp/Le Corbusier. Le plain-chant s'imposait par son aspect linéaire extrêmement modeste de par son ambitus, mais généreux par son ambition. J'ai utilisé le plain-chant du Moyen Âge comme Le Corbusier a utilisé du béton mais aussi du bois et des pierres de l'ancienne chapelle. Les musiques sont pleines de réemplois mais cela passe inaperçu, parce qu'on l'incorpore à notre propre expression.
Vos œuvres sont variées, mais vous sentez-vous plus proche intuitivement de certaines formes ?
Je n'ai pas d'a priori envers telle ou telle forme musicale. J'ai abordé à peu près tous les genres jusqu'à la musique électro-acoustique, qui n'était pourtant pas vraiment mon domaine. Comme tout un chacun, musicalement, j'ai épousé mon temps. Dans les années 60, lorsque j'étais jeune compositeur, et même dans les années 70, il n'était pas question pour moi d'écrire un opéra. Je n'en éprouvais pas le besoin, je considérais que l'opéra était mort. 25 ans plus tard, j'ai écrit Le Premier cercle pour l'Opéra de Lyon et je l'ai composé de manière tout à fait naturelle, j'étais mûr pour le faire.
Il en est de même pour les instruments. Il est évident que l'on a des affects, j'ai beaucoup écrit pour orchestre donc j'ai une connaissance par l'intérieur (ça, c'est l'alchimie du compositeur, c'est difficile à décrire) des instruments. Je ne suis pas instrumentiste à cordes mais lorsque j'écris pour le violoncelle ou le violon, je me transforme en violoncelliste ou en violoniste. D'un autre côté, j'adore le gamelan balinais ou encore la musique du théâtre Nô, mais je ne vais pas composer pour ces instruments, je ne les connais pas assez.
Que diriez-vous de l'évolution de votre œuvre au fil du temps ?
J'ai réalisé un progrès en ce qui concerne la construction. Je voulais être architecte quand j'étais jeune, ensuite la musique s'est imposée mais j'en ai gardé le goût de l'harmonie de la construction. Pas au sens académique du terme, j'ai toujours été anti académique, je me suis rangé du côté des modernistes.
Je maîtrise maintenant mieux le temps dans mes compositions. Le temps imparti pour réaliser une œuvre correspond de mieux en mieux à un temps naturel, à un temps vécu. Je n'aime pas quand on veut dire trop de choses en trop peu de temps. Les dispositifs instrumentaux des différentes œuvres que j'ai écrit au long de ma carrière correspondent exactement à un projet, rien n'est gratuit.
Avez-vous gardé une relation particulière avec le CNSMD de Lyon ?
Je me souviens que lorsque j'ai été directeur du CNSMD de Lyon, ça a été une très belle période de ma vie. J'ai très bien pu harmoniser le temps que je consacrais à cette école et mon travail de compositeur. Ça me fait donc plaisir de revenir ici et pour ces festivités, je redécouvre des œuvres du passé que j'avais un peu oubliées.
Nuit festive d'Ombre et lumière
Au CNSMD le vendredi 18 novembre
Missa cum jubilo
Au CNSMD le dimanche 4 décembre
Journée d'étude
Au CNSMD le jeudi 8 décembre