Fête des Lumières / Il y a les mercenaires de la Fête des Lumières (TILT, Joseph Couturier...) ; et quelques outsiders qui (re)passent par là, cette année. Parmi eux Ez3kiel, Christophe Bauder et surtout Benedetto Bufalino. Celui qui avait transformé une cabine téléphonique en aquarium revient, en cette édition ultra-sécurisée et post black-out des attentats, éclairer un dancefloor grâce à une bétonnière à facettes.
Ne jamais réduire un artiste à une œuvre. Tenter d'épaissir le trait. Mais indubitablement, réapparaît la cabine téléphonique / aquarium lorsqu'il est question de Benedetto Bufalino. En 2007, le Lyonnais n'est titulaire que depuis deux ans de son diplôme supérieur d'arts appliqués de la Martinière Terreaux et, après avoir imaginé des interventions sur le territoire du premier arrondissement (mettre des échafaudages pour tutoyer le sommet des arbres, poser des bandes de prairie entre les mini fontaines au sol de la place des Terreaux...), il répond avec son ami concepteur lumière Benoit Deseille à un appel à projet pour la Fête des Lumières, qui ne connaît pas alors l'affluence d'aujourd'hui.
Se considérant plus comme un plasticien que comme un designer, aimant « jouer avec le réel, le décaler, le laisser divaguer », il s'empare d'un objet existant – quoique voué à disparaître, la cabine téléphonique, et la détourne de sa fonction en y logeant un aquarium. Cette « évasion urbaine » telle qu'il l'avait nommée sera l'une des attractions les plus marquantes des dix ans de Fête. Postée sur le quai Pêcherie (!) face au pont de la Feuillée, elle attire les regards au point que, se rappelle Benedetto Bufalino, « certains passants pensaient qu'elle avait toujours été là. » Gérard Collomb, alors en campagne, souhaitait en acheter trois !
Cette installation fera du chemin : Gent en Belgique, Durham et Londres (version rouge british) en Angleterre, l'île Maurice et tout récemment le Voyage à Nantes. Elle illustre son travail, constamment inscrit dans l'espace urbain et jamais directif. Il crée des structures dont les passants s'emparent ou pas, mais il ne leur fournit pas d'indications comme tout récemment avec la reconstitution, sur la plage d'Anglet, d'un terrain de foot sur lequel les lignes sont devenues des murets de 90 cm de hauteur. Impossible de jouer au ballon normalement mais de quoi s'amuser autrement de cette surface mondialement connue, qu'il a par ailleurs déclinée dans le ciel en 2010.
En voiture Simone
L'année suivante, en 2009, Benedetto Bufalino remet le couvert à la Fête des Lumières à l'invitation de la galerie Roger Tator. Voilà qu'il gare neuf voitures à la Guillotière, formant une guirlande. L'habitacle doté de lumière crée un orage, un arc-en-ciel... et quelques mètres plus loin, sur l'îlot d'Amaranthes, il a installé un drive-in pour voir... du flou ! Dans des voitures volontairement basiques (fidèle à sa volonté d'utiliser un quotidien banal et non des pièces de collection), peintes en orange bic, il invite à ce rendez-vous classique des Américains, mais là encore, il le décale. Et propose un moment doux dans ce barnum lyonnais.
Entre temps, il a transformé l'automobile en table de ping-pong, en barbecue, en pot de fleur, en bateau, en jacuzzi, en poulailler, il a hissé une caravane dans le ciel (Fêtes Escales de Vénissieux en 2014), il a rajouté un toit à la Villa Savoye de Le Corbusier et inventé une maison roulante pour les 30 ans de la Cité des étoiles de Givors.
« J'aime requestionner ces choses comme si tout n'était pas acquis ou figé. Pourquoi une voiture aurait quatre roues et pas six ? Qu'elles puissent être plus drôles qu'elles ne sont ; faire du monde une chambre d'enfants ».
Let's dance
Pour cette édition de la Fête, il va donc s'approprier une bétonnière et coller 3500 miroirs sur son cylindre pour la muer en boule à facettes. Ce projet pensé bien avant que l'installation d'Yves Caizergues ne domine la basilique de Fourvière, est, une fois de plus, à échelle humaine. Installée initialement sur le plateau de la Duchère l'an dernier, elle sera finalement du côté de Grolée et passe d'un quartier qui a profondément été en chantier à un autre qui vit au rythme de nouveaux aménagements. C'est raccord avec son engin de travaux, dit-il.
De nouveau, Bufalino va fusionner deux entités sans que l'une n'écrase l'autre car « c'est ce frottement qui l'interesse ». S'il ne fait pas de gros cœur clignotant ni de bouquet de fleurs guimauve qui pourraient rassurer les édiles, qui bien souvent financent ces projets, il persiste à perturber la standardisation des villes pour mieux les regarder et les rendre festives, musique comprise !
La bétonnière boule à facettes
Rue du président Carnot, Lyon 2e
Dans le cadre de la Fête des Lumières
Du 8 au 10 décembre de 20h à minuit