Deux mois après une date au Sucre, Superpoze est de retour à Lyon. Entre temps, le petit prodige de la MPC, à l'avant-poste d'une scène musicale caennaise en pleine ébullition, a enfin publié son premier album. Et c'est un chef-d'œuvre d'electronica naturaliste.Propos recueillis par Benjamin Mialot
Opening, ton premier album, est nettement plus contemplatif que tes premières productions, très orientées beatmaking. Ce changement d'état d'esprit, est-il naturel ou intentionnel ?
Superpoze : L'envie de faire un album a été naturelle. Quand je m'y suis mis, j'ai essayé de refaire des morceaux comme ceux de mes EPs et cela ne m'a provoqué aucune sensation. L'intention est venue du coup dans les structures. Je ne voulais plus qu'elles soient pop, au sens le plus large du terme, avec des refrains identifiables, des couplets... Je voulais envisager l'album dans son ensemble, laisser le temps à la musique, aux progressions, pouvoir me dire que si un événement n'est pas survenu dans tel morceau il pourra dans le suivant... C'est impossible quand tu travailles morceau par morceau, car tu fais seulement en sorte que chacun soit fort en lui-même.
Á une époque où la musique est consommée d'une manière de plus en plus éclatée, c'est une vraie prise de risque...
Le fait de prendre le temps ne devrait pas être un risque. Quand je compose, je ne me pose pas la question de la consommation de ma musique. Cela m'empêcherait d'être libre. Je voulais vraiment que l'album dégage une unité. Comme celui de Darkside ou le dernier Jon Hopkins, des disques entiers qui m'ont motivé. Dans cette idée, je ne mets jamais un tempo en premier. Ça m'évite aussi de me ranger dans les grosses cases, le hip-hop à 90 bpm, la techno à 124, etc. Je commence toujours par des mélodies, des gimmicks ou des thèmes. Le tempo, c'est de l'arrangement pour moi, c'est secondaire.
Il y a dans tous mes morceaux des notions de spatialisation, une tentative d'envelopper par le son, de penser la musique en 3D plutôt qu'en 2D.
Une influence de ta formation au conservatoire ?
C'est très dur à analyser. Mais oui, je pense qu'assez logiquement, ça m'a apporté une sensibilité vis-à-vis de certains enchaînements harmoniques. C'est une sorte de formatage inconscient. J'ai appris à faire de la musique en même temps qu'à écrire, à compter et à faire des expériences dans des éprouvettes. C'est pour moi un langage en tant que tel.
On associe fréquemment des visions à la musique instrumentale. Tu avais quelque chose de cet ordre en tête pendant l'enregistrement d'Opening ?
Quand je fais de la musique, je ne fais que de la musique. C'est bête à dire, mais c'est la vérité. Je ne me dis pas "Tiens, là je vais dessiner la mer en son." Bien sûr, la musique en elle-même n'est jamais que de la musique, elle renvoie à des voyages, des films, des tableaux, des sensations, des goûts, des odeurs... Mais ça n'intervient pas dans mon processus créatif.
Ta musique a pourtant un rendu très spatial, comme on parlerait de folk des grands espaces. Si ce n'est que les tiens sont plutôt aquatiques, si l'on en croit les titres Overseas et Ten Lakes...
C'est le lien entre toutes mes productions. J'ai toujours été fasciné par les pays du nord, le grand froid, l'hiver apaisé... Mais plus en termes de sensation. Dans mes premiers morceaux, From the Cold, The Iceland Sound ou Transylvania, tout comme sur Opening, j'ai essayé de retrouver cette idée de douceur mêlée de fraîcheur. J'ai grandi en Normandie. L'hiver ensoleillé, c'est un de mes souvenirs d'enfance préférés. Quant à l'élément aquatique, il est effectivement très présent. J'ai la vision d'une musique noire, blanche et bleue, qui renvoie au grand nord donc, mais aussi au milieu sous-marin.
Ensuite, en termes techniques, il y a dans tous mes morceaux des notions de spatialisation, une tentative d'envelopper par le son, de penser la musique en 3D plutôt qu'en 2D. Je ne sais pas si c'est très clair, ce n'est peut-être que dans ma tête.
Comment comptes-tu traduire ce sentiment sur scène ?
J'avais deux options principales. La première, que je développe pour le moment, c'est un vrai travail de producteur électronique, avec des filtres, des montées, presque influencé techno, mais entre grands guillemets. Dans l'idée de me laisser le temps d'installer des phases d'intensité ou de douceur, comme je le disais tout à l'heure.
Après, j'ai en tête de développer un live semi-acoustique, vu qu'il y a beaucoup de piano et de percussions organiques sur le disque. Quelque chose qui pourrait presque se jouer devant un public assis. Et puis j'ai le fantasme de l'interpréter un jour avec un gros groupe de post-rock (rires).
Pour revenir à ces histoires d'évocation, Mondkopf nous confiait qu'il pensait ses morceaux comme des scénarios. Opening étant un titre éminemment cinématographique, difficile de ne pas dresser un parallèle...
Oui, j'ai effectivement cette même volonté narrative. Quand je dis ne plus vouloir faire de pop, c'est ça : la pop, c'est de l'écriture, mais de saynètes, moi je veux du liant, et certains éléments sont envisagés comme tel. J'ai par exemple ajouté des synthés à la fin sur tous les morceaux, parce qu'ils me semblaient créer un lien et donner de la substance à l'album. Plus que le cinéma, ça me fait penser à... Non, j'allais dire de la cuisine, c'est nul (rires).
Quant au titre, il traduit l'idée que je peux faire ce que je veux derrière. C'est le début, l'ouverture, l'opening des disques qui suivront et, plus globalement, de ce que je ferai dans la musique, en tant que Superpoze ou pas d'ailleurs. Une sorte de fenêtre... sur l'infini. Quel poète (rires).
Embrace #2 : Superpoze [+ Bondax + Snakehips + DJ Sliink + Thylacyne + Dream Koala + Andrea + Les Gordon]
Au Transbordeur samedi 25 avril