Le chef-d'œuvre de Melville en copie restaurée, pour le 70e anniversaire de la victoire des alliés.
Ce 8 mai, on fête le 70e anniversaire de la victoire alliée au cours de la Seconde Guerre mondiale ; et il était un temps où les chaînes de télévision publiques diffusaient, ce même 8 mai, L'Armée des ombres dans la torpeur de l'après-midi férié — c'est ainsi qu'on a découvert, ébahi, le film. Les traditions cathodiques se sont bien perdues, mais le numérique — qui n'a pas que des mauvais côtés — permet aux salles de cinéma de pallier cette déficience : c'est donc dans une copie restaurée que le chef-d'œuvre de Melville, adapté de Joseph Kessel, sera visible cette semaine au Comœdia, à quelques encablures d'un des lieux de son tournage — dans le Vieux Lyon, entre Saint-Jean et Saint-Paul.
On l'avait dit lors de la rétrospective Melville à l'Institut Lumière, il faut voir dans L'Armée des ombres la source intime et mystérieuse de son cinéma : les résistants impassibles, mus par une détermination sans faille et une dévotion complète à leur mission, incapables de laisser retomber la pression et jouir de la vie, prêts à sacrifier leurs (plus) proches pour préserver leur réseau, sont les doubles des tueurs à gages et autres malfrats qui hantent ses films noirs.
C'est ce qui rend le film toujours aussi farouchement contemporain : Melville n'héroïse pas ses personnages, mais les montre comme des soldats sans états d'âme, qui risquent leur vie ou font tout pour la sauver — la splendide séquence d'évasion est un des sommets de son œuvre — mais ne dissertent jamais sur le bien-fondé de leur cause. Ce sont des êtres gris, pris dans des temps gris, persuadés qu'au bout de ce tunnel, il y aura (peut-être) une lumière. Mais à quel prix ?
l'armée des ombres (1969) bande annonce par dictys
Christophe Chabert
L'Armée des Ombres
De Jean-Pierre Melville (1969, Fr, 2h20) avec Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Meurisse...