Pour sa douzième édition, L'Original reste fidèle à lui-même : cohérent dans ses idées et critiquable dans ses choix. Mais vaut le détour rien que pour les présences du prodige new-yorkais Joey Bada$$ et de la terreur du 93 Vald.Benjamin Mialot
La semaine dernière, la parole était à l'accusation, représentée par Lucio Bukowski et Anton Serra qui, sur leur album commun, reprochent avec force métaphores carnassières aux organisateurs de L'Original de ne programmer que des has been et des épiphénomènes, qui plus est pour des sommes aux antipodes des racines bitumées du hip-hop.
Cette semaine, à l'approche de la 12e édition du festival, elle est à la défense. Et sa stratégie tient en une louable intention : dresser un état des lieux de ceux qui fixent les règles du game contemporain, furent-ils des nouveaux entrants ou des vielles gloires ne faisant pas leur âge. Á trop embrasser, L'Original prend évidemment le risque de mal étreindre, et cette déclinaison 2015 n'y coupe pas, elle qui consacre toute une soirée aux seuls Gradur et Dosseh, figures de proue d'un rap Booba-like d'une balourdise et d'une vulgarité telles qu'il n'est à sa place qu'entre les murs suintant de transpiration de salles de fitness low cost – et malheureusement sur le dernier effort solo du pourtant brillant Lino, moitié d'Ärsenik et VRP non officiel de Lacoste.
Des jeunes gens modernes
Celle de Vald, en revanche, est dans une cellule capitonnée, seul endroit à même de contenir les délires et psychoses de ce vilain garnement d'Aulnay-sous-Bois, compagnon de (dé)route d'Alkpote, avec lequel il partage un goût certain pour les jeux de massacre (voir le clip sanguinolent et surbuzzé de Autiste) et les instrus gonflées à la Roland TR-808. Beaucoup de provocation et encore plus de fun : Vald, c'est Denis la malice qui manierait le bazooka plutôt qu'un lance-pierre (ainsi qu'il le fait dans Shoote un ministre, autre hit viral) ou Orelsan qui aurait assaisonné son traditionnel kebab froid d'une bonne louche de Syrup, cette boisson codéinée dont raffole la jeune génération du rap US.
A vingt ans à peine – l'âge de Little Simz, prolifique et réfléchie londonienne également à l'affiche de cette édition – Joey Bada$$ en est le nouveau prince. Jeune homme bien de son temps (révélé sur Youtube, entouré d'un collectif, attaché à préserver son indépendance éditoriale quitte à refuser les avances de Jay-Z en personne), il débite sur son premier album une musique taillée dans le même béton que les blocks de son New-York natal avec l'assurance et le swing de ses glorieux aînés (Mobb Deep, Nas et consorts). Pas vraiment un «sale fossile» donc, pas plus que ne le sont d'ailleurs les plus expérimentés Big Pooh et Apollo Brown, ambassadeurs d'un feel good hip-hop qui assume pleinement ses origines soul. Un partout, balle au centre ?
L'Original
Au Transbordeur du vendredi 29 mai au lundi 1er juin