28 ans de la vie d'un skin-head, des ratonnades au repentir : un film sec et sincère signé Diastème, malgré quelques maladresses.
Un peu à la manière de La Loi du marché, Diastème s'est emparé d'un sujet hautement abrasif et d'actualité (la mouvance skinhead, des années 80 à aujourd'hui) qu'il approche avec une sècheresse narrative payante : l'itinéraire de Marco (Alban Lenoir, enfin dans un rôle à sa mesure au cinéma) est raconté caméra à l'épaule, sans musique, sans affèterie mais sans masquer non plus la violence de ses actes, puis découpé en blocs séparés par d'énormes ellipses.
Le procédé permet au personnage de rester jusqu'au bout une énigme : qu'est-ce qui le fait peu à peu revenir dans le droit chemin ? Une étincelle de conscience ? Son dégoût vis-à-vis des méthodes de ses camarades ? Son envie de devenir un bon père et un bon mari ? Ou sa rencontre avec un pharmacien qui refuse de le juger ? Peut-être rien de tout cela en définitive, et si Marco traverse ainsi 28 années où l'extrême droite est passée de la violence clandestine à une façade de respectabilité, il le fait comme un fantôme en équilibre précaire, mal armé pour affronter les enjeux politiques de son temps, porté par un besoin d'amour qui s'exprime par des poussées de haine.
Dommage que ce que réussit Diastème avec son protagoniste, il le rate avec les personnages secondaires, dont les destins sont beaucoup trop schématiques. Une maladresse qui se retrouve dans les dialogues mais aussi dans le jeu des comédiens — à l'exception de Lucie Debay, déjà repérée dans Melody, qui excelle pour jouer l'ambivalence — proches de la caricature pure et simple. En tout cas, l'ambition d'Un Français est singulière, et ce period movie hexagonal est loin d'être honteux.
Christophe Chabert