Michel Ocelot enrichit de cinq nouveaux titres sa collection de contes en silhouettes initiée pour la télévision avec Ciné Si, transposée au cinéma avec Princes et Princesses. Le procédé, comme la magie, demeurent inchangés...
On louait il y a peu la capacité du grand studio d'animation Blue Sky à se renouveler au bout du cinquième opus de la saga L'Âge de glace. Mais quel panégyrique faudrait-il composer en l'honneur de Michel Ocelot, qui poursuit sans tambour ni trompette depuis près de trente ans une série conjuguant minimalisme graphique et flamboiement visuel ?
Éloge du conteur capable de broder et de renouveler une légende à partir d'une trame classique, célébration d'un imaginaire ludique et ouvert (car partagé) s'entretenant comme un muscle, la série Ciné Si dont découlent aujourd'hui ces nouveaux épisodes regroupés sous le titre Ivan Tsarévitch et la Princesse changeante, mérite d'être considérée comme un classique contemporain. Un classique discret, certes, mais précieux et exemplaire dans son art de placer toutes les traditions du monde sous une lumière égale, puisque Michel Ocelot embrasse avec le même enthousiasme une légende russe, africaine, tibétaine, européenne ou chinoise.
Modernité du conte
Mais si par ses traitements il “unifie” esthétiquement les contes entres eux — leur permettant ainsi de toucher à l'universel — il n'en gomme jamais les spécificités, et en revendique toujours les provenances. Son adaptation ne se borne pas à une illustration, si virtuose soit-elle : c'est en cela que la série se distingue comme une mine de créativité.
Le conte appartenant à la culture orale, il demeure une matière ductile que les deux jeunes protagonistes de Ciné Si façonnent à leur guise au début de chaque histoire, lui donnant des inflexions propres à leurs caractères... et le corrigeant le cas échéant de certains archaïsmes.
Chez Ocelot, les princesses n'ont rien de petites choses soumises aux princes, ni de faire-valoir ; elles peuvent incarner, alternativement, le rôle majeur ou demeurer spectatrices — s'ensuivent de menues réécritures ne modifiant pas le sens profond des contes. Une preuve, au passage, que cette modernité sied à toutes les traditions.
Ivan Tsarévitch et la Princesse changeante de Michel Ocelot (Fr, 53'), animation