Entretien / Difficile de condenser en deux heures toute la seconde moitié du XXe siècle français en miroir avec les sentiments d'un couple d'écrivains : c'est pourtant ce qu'ont tenté Nicolas Bedos et son actrice/coscénariste Doria Tillier. Réponses et références seventies des intéressés.
Est-ce que l'époque du film était déjà plantée dés l'écriture ?
Doria Tillier : On s'est très vite arrêtés sur les années 1970. On les aime visuellement, humoristiquement et intellectuellement, avec l'état d'esprit dans lequel les personnages sont au début : la liberté, Beauvoir, Sartre, le quartier latin... Je trouvais cool que le film finisse aujourd'hui et pas en 2000 ou 2025. Cet univers correspondait naturellement aux personnages, et on ne s'est pas posé vraiment la question.
Votre premier désir de cinéma découle-t-il de cette période historique ?
Nicolas Bedos : Plus du côté des années 1990. Comme beaucoup de gens de ma génération, on s'était pris Tarantino, Kassovitz et Wong Kar-wai. Il y avait beaucoup de cinéastes dans des genres très différents à cette époque. C'était le début des grands formalistes américains comme Paul Thomas Anderson ou David Fincher, dont je me suis un peu inspiré pour faire ce film-là, même s'il y demeure des influences très françaises.
En plus du cinéma américain classique (Citizen Kane), y a-t-il des clins d'œil à Philippe de Broca ?
N.B : Selon lui, de Broca était hors Nouvelle Vague et revendiquait une sorte de mépris pour le cinéma intello français, ce qui n'est pas mon cas. Il s'était un peu auto-proclamé “l'Américain du cinéma français” avec des films chers et ambitieux. Je crois que Doria et moi avions envie de faire un cinéma jubilatoire et qui se permet tout dans les mouvements de caméra, les ellipses ou la musique. Ce sont des effets qui sont en général laissés de côté car considérés comme suspects. Il y a un certain catéchisme du cinéma d'auteur qui associe la richesse visuelle à de la facilité putassière. On fait un cinéma de l'entre deux qui est celui qui nous plait le plus.